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Vers une renaissance industrielle


Environnement | Les territoires et les entreprises

Écrit pour la plénière 2

S’il est un domaine où l’espoir prôné par les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence peut être proche d’être enclenché et faire l’unanimité c’est bien celui d’une renaissance industrielle.

La renaissance industrielle peut être assimilée à une remise à l’honneur de l’industrie, au fait de lui redonner une place centrale dans notre développement économique et social.

Il s’agit d’inverser un mouvement de baisse du poids de l’industrie dans le PIB qui donne à la France une position particulière en Europe et est considérée aujourd’hui comme un point faible.

Rappelons que ce phénomène est sans doute surestimé et qu’il résulte en partie d’une volonté et non d’un accident.

Le choix des services

On observe depuis les années 80 une modification profonde de l’organisation industrielle qui se manifeste notamment par l’externalisation de nombreux services. L’expertise comptable ou le conseil juridique, l’entretien, le gardiennage…sont faits désormais par des prestataires situés à l’extérieur de l’entreprise et l’activité de l’industrie est assimilée à l’activité manufacturière. Ainsi, la part de l’industrie se trouve réduite, de façon mécanique.

Plusieurs phénomènes ont pesé sur la baisse de la part de production industrielle réalisée en France. Les délocalisations ont déplacé certaines productions dans des pays émergents, notamment la Chine, bien sûr en raison de bas coûts de main d’œuvre mais surtout en raison de la taille de ces marchés et des débouchés s’offrant aux entreprises. La financiarisation de l’économie a vu de nombreuses entreprises rachetées par des Fonds de pension tandis que d’autres étaient rachetées par de grands groupes étrangers, américains notamment. L’objectif des responsables politiques était, à la fin du siècle dernier, de développer une économie de services, laissant la production aux pays du sud. L’attrait pour la finance a aussi eu pour effet d’éloigner les élèves sortant des écoles d’ingénieur de l’industrie pour des emplois mieux rémunérés dans les banques.

Notons que ce phénomène n’est pas général et que certaines entreprises maintiennent l’essentiel de leur activité sur le territoire ; mais globalement, la baisse est réelle.

Le choc de la dépendance

L’évolution de l’organisation de la production s’est accompagnée d’un développement des chaînes de valeur permettant de diminuer les coûts et d’optimiser la localisation des différents fragments de la production.

Les occurrences de ruptures de ces chaînes de valeur ont pris diverses formes, catastrophes climatiques, problèmes de transport, confinements pendant la pandémie due au Covid 19, guerres et tensions géopolitiques. Elles ont conduit à poser la question de la souveraineté et à repenser le développement industriel.

Les choix se posent désormais dans un contexte nouveau : impératif de transition environnementale, hausse des coûts de production dans les pays émergents rendant certaines délocalisations moins attractives, et contexte géopolitique augmentant l’incertitude et donc le risque.

Comment faire revivre l’industrie ?

L’impératif de transition environnementale offre de nouvelles perspectives à l’industrie malgré les contraintes. En effet, c’est un nouveau paradigme qui se développe en intégrant l’objectif de décarbonation et de protection de l’environnement.

Il faut donc réinventer les processus de production, tout au long des chaînes de valeur, de l’amont à l’aval. Cela suppose de forts investissements et donc un coût et une prise de risque élevés, dans un contexte où la productivité du travail ne retrouve pas le niveau antérieur à la crise sanitaire.

Les entreprises sont au cœur de ces changements mais elles ne sont pas les seuls acteurs. En effet, on assiste à une autre renaissance : celle de la politique industrielle. Dès lors qu’il définit des secteurs prioritaires, une stratégie face à la concurrence internationale, l’Etat devient stratège. Quels seront alors les rôles respectifs de l’Etat et du marché ?

Le choix de la technologie revient aux entreprises mais l’Etat peut créer le soutien institutionnel nécessaire à la poursuite de l’innovation, au financement de la recherche et à l’orientation de l’épargne vers l’industrie. Son action est cruciale dans la formation.

Les innovations sont des innovations de produits, de processus de production et d’organisation. La robotisation notamment modifie profondément les métiers et la formation doit être adaptée à ces changements. La France a besoin de renforcer les compétences scientifiques et ces nouvelles formes de qualification peuvent répondre à une nouvelle vision du travail et à de nouvelles demandes de sens, de respect de l’environnement et d’adéquation avec des valeurs exprimées par de nombreux jeunes arrivant sur le marché du travail.

La question de la renaissance de l’industrie se pose essentiellement en France mais la politique industrielle se fait nécessairement au niveau européen. La déclinaison au niveau national est parfois difficile, d’autant que les pays n’ont pas toujours les mêmes objectifs et les mêmes contraintes. L’articulation des différents niveaux géographiques est complexe mais c’est une condition de la réussite.

La dimension territoriale est essentielle dans cette renaissance industrielle et en est l’un des espoirs. L’industrie se situe essentiellement dans la périphérie des villes et c’est sur elle que repose une partie de la dynamique économique et sociale des territoires.

En effet, au-delà des considérations économiques et géopolitiques, l’industrie joue un rôle social fort. Sa disparition dans certains bassins d’emploi ou dans certaines régions a eu des effets en chaîne sur l’activité économique et a entraîné des situations catastrophiques pour les populations concernées. L’implantation de nouvelles usines, les perspectives d’emplois qualifiés et variés redonnent de l’espoir aux populations, notamment aux jeunes. On peut ainsi espérer la création d’écosystèmes dans une interaction entre les différents acteurs locaux, la réindustrialisation étant un vecteur de l’intégration sociale.

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