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Espace Presse

Économie circulaire : du produit au modèle d’entreprise, une question de survie


Environnement | Les territoires et les entreprises

Écrit pour la session 10 – Économie circulaire, le modèle à suivre

Les scientifiques nous alertent depuis 50 ans sur nos ressources limitées et l’urgence à agir. Nous venons de dépasser 7 limites planétaires sur 9.

Il est temps.

Nous devons urgemment et radicalement changer de paradigme et réfléchir à des modèles différents de ceux qui nous ont été inculqués depuis des décennies. Nous devons sonner la fin de la quête de croissance économique illimitée, et repenser notre définition de la réussite et du bonheur. Nous devons arrêter de penser concurrence pour laisser place à une profonde collaboration et co-construire, ensemble les bonnes pratiques de demain.

Les crises qui s’accumulent nous mettent chaque jour face à nos contradictions.

“Never waste a good crisis” : nous devons les voir comme des opportunités pour réinventer les modèles et les récits, et imaginer une société qui voit ces nouvelles contraintes plutôt comme une relation différente à avoir à la consommation et au plaisir.

L’économie circulaire est un parfait exemple de nouvelle façon de penser. Historiquement identifiée comme une approche niche non réplicable, elle prend de plus en plus d’ampleur. Dans un monde où nos ressources sont limitées, nous devons paradoxalement nourrir plus de bouches, assurer la santé de plus d’êtres humains, et éduquer une nouvelle génération qui va devoir concilier plus que jamais préservation de la planète et développement économique. Penser nos déchets comme des ressources devient donc une évidence pour développer des cycles de vie de produits plus vertueux.

Depuis 10 ans, je réfléchis aux façons de repenser l’alimentation. La vision que je défends est simple : il faut arrêter de surproduire, de surindustrialiser et il faut nous rapprocher en tant que consommateur du producteur.

Une offre de consommation de plus en plus éco-responsable

C’est par cette analyse que j’ai fondé Too Good To Go en 2016, après avoir été frappée par la quantité de gaspillage alimentaire que nous avions sur notre planète. Alors que 40% de la production est jetée de la fourche à la fourchette, j’ai développé une application qui met en relation les commerçants qui ont des invendus à la fermeture avec des consommateurs. La technologie permet de connecter les gens au bon moment, au bon endroit. Ensemble, on évite ainsi de gaspiller nos ressources en eau, le travail de la terre et le travail des acteurs sur toute la chaîne de production. C’est l’illustration même de redonner de la valeur à un produit qui allait devenir un coût (en traitement de déchets et transport). Nous opérons dans un nouveau marché : celui du gaspillage alimentaire, évalué à 1 600 milliards de dollars.

La bonne nouvelle c’est qu’on peut appliquer ce raisonnement à toutes nos industries : nos modèles de production doivent passer d’un modèle linéaire à un modèle circulaire. Réduire, réutiliser et recycler sont désormais les nouveaux mots d’ordre à respecter. Un nouvel écosystème d’acteurs, de services et de produits émerge : essor des produits reconditionnés, omniprésence des emballages eco-conçus, bio-énergies, développement de l’économie collaborative avec le lancement des plateformes d’échanges de biens et de services entre particuliers.

Une attente grandissante des citoyens pour plus de durabilité

L’ensemble de ces innovations témoigne de la force d’innovation de ce modèle et de sa création de valeur complète : économique, sociale et environnementale. Car aujourd’hui, ces nouveaux produits et solutions sont fortement plébiscités par les consommateurs. Ils sont prêts :une étude de Kantar[1] en 2021 indique que les ménages éco-engagés devraient doubler d’ici 2026 et atteindre 40 %. Les achats dits responsables représenteraient alors 925 milliards de dollars par an. Cette croissance est cinq fois plus rapide que celle de l’ensemble du marché des produits de consommation courante.

De nouvelles perspectives pour nos modèles d’entreprise

Au-delà de l’innovation produit, l’économie circulaire appelle également à une mutation de notre société et de l’organisation de nos entreprises. Nous devons, en tant que dirigeants, prendre à bras le corps cette mutation et l’engager au sein même de notre organisation. Nous devons privilégier une vision long-termiste à une vision court-termiste. La direction que nous donnons à l’entreprise doit être prise en considérant tout l’écosystème et le contexte actuel d’urgences climatiques, sociales et économiques.

Quand nous cherchons à faire du “bénéfice”, nous devons revenir à l’étymologie du mot : latin beneficium, de “bene”, “bien”, et “facere”, “faire”. Comment bien faire, dans le contexte actuel, en tant que chef d’entreprise ? En réfléchissant à l’impact global que nous avons sur notre écosystème, dans son ensemble et en pensant des modèles régénératifs qui s’inspirent de la nature.
La certification B-Corp aide à considérer l’ensemble de l’écosystème d’une entreprise : salariés, clients, fournisseurs, gouvernance (j’y entends actionnaires et conseil d’administration) et environnement (celui qu’on impacte). Comment partager la création de “valeurs[1] ” entre tous ces acteurs?

Les entreprises qui survivront demain seront celles qui se seront posées ces questions difficiles et auront réfléchi aux modèles qui leur permettent d’allier les intérêts de tous.

L’économie circulaire nous ouvre la voie avec de nouvelles perspectives et de nouveaux repères pour transformer nos entreprises et notre société, au service du bien commun et de notre planète. Je suis convaincue que de nombreux nouveaux modèles d’entreprise gagnant-gagnant permettront de généraliser l’impact positif sur toutes les parties prenantes et ainsi de repenser drastiquement la notion du profit, son utilisation, et son partage.

Le slogan de B-Corp est pour moi révélateur de ces nouveaux modèles qui vont façonner notre avenir : « Ne pas chercher à être la meilleure entreprise du monde, mais à être la meilleure pour le monde ». C’est peut-être ça la nouvelle définition du succès finalement.


[1] Etude de Kantar en 2021 intitulée “Who Cares, who does”

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