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Décarbonation : quelle stratégie pour une industrie compétitive


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La préservation du climat nécessite une action collective, mais chaque pays doit concilier décarbonation et compétitivité. L’action unilatérale est une réponse immédiate, mais doit être protégée contre les pertes de compétitivité. Comment concilier efficacement transition énergétique et industrie compétitive ?

Écrit pour la session 18 – Décarbonation, quelle stratégie pour une industrie compétitive ?

Le climat est un bien global dont la préservation fait face à un problème d’action collective. Chaque pays a intérêt à une décarbonation rapide des activités humaines, mais intérêt également à ne pas agir pour tirer parti des opportunités offertes par l’action des autres pays : déplacement des activités carbonées vers des localisations ne taxant pas le carbone ou ne réglementant pas les émissions, i.e. fuites directes par le canal de la compétitivité, ou baisse du prix des énergies fossiles sur les marchés internationaux en raison de la moindre demande émanant des pays en réduisant l’usage.

« L’action unilatérale pemet des engagements effectifs des pays, mais elle doit se protéger des pertes de compétitivité »

Après l’échec d’autres tentatives plus ambitieuses, la solution multilatérale trouvée à ce problème, à savoir l’Accord de Paris, consistant à compiler les efforts de décarbonation annoncés par les pays sur une base volontaire, ne constitue au mieux qu’une partie de la réponse nécessaire. Il y a deux raisons à cela, identifiées par le Prix Nobel William Nordhaus :

  1. les engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre sont non coordonnés, dans la mesure où la somme des engagements nationaux ne permet pas de tenir l’objectif de réchauffement affiché dans l’accord, et où ces engagements ne procèdent pas d’une allocation optimale des efforts en fonction des coûts d’abattement dans les différents pays ;
  2. même s’ils doivent être révisés à intervalle régulier pour en augmenter l’ambition, ces engagements sont non contraignants (et souvent conditionnels) donc largement non respectés.

Il reste dès lors deux méthodes possibles. La première est l’action plurilatérale, à savoir un club de pays partageant une même ambition en matière climatique, recherchant une métrique commune de leurs efforts, et se protégeant du reste du monde pour l’inciter à rejoindre petit à petit le club. Indépendamment de l’éventuelle incompatibilité d’un tel montage institutionnel avec les exceptions environnementales aux règles du commerce international prévues par l’Organisation Mondiale du Commerce, la géopolitique d’un tel mécanisme est suffisamment conflictuelle pour en empêcher la mise en œuvre. Le club devient alors, dans l’esprit des organisations internationales et gouvernements en promouvant la création, une simple instance de coordination et de mesure des efforts de nature et d’ambition diverse.

Reste donc l’action unilatérale. C’est la solution initiée par l’Union européenne avec son Pacte Vert, suivie par les Etats-Unis et la partie climatique de l’Inflation Reduction Act. L’action unilatérale permet des engagements effectifs des pays, mais elle doit se protéger des pertes de compétitivité : des obstacles aux échanges doivent être érigés pour se protéger des fuites de carbone ou s’assurer le bénéfice des économie d’apprentissage dans les industries vertes : tels sont respectivement les objectifs du mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières et des clauses d’intégration locale conditionnant les réductions d’impôts ou les subventions contenues dans l’Inflation Reduction Act. Face à ce constat, comment concilier au mieux transition énergétique et industrie compétitive ? Doit-on utiliser en priorité les instruments de marché, quitte à en compenser les effets par des subventions qu’ils permettent de financer, à l’instar de l’approche privilégiée par l’UE ? Comment éviter le risque de course aux subventions entre Etats pour l’installation des nouvelles industries ? L’action unilatérale est une réponse à l’urgence climatique et l’on doit s’en féliciter. Il reste à la coordonner pour en limiter les distorsions de concurrence et protéger la compétitivité industrielle.

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