4 Jul 2015
Comment rémunérer le capital et le travail au XXI° siècle ?
Débat 4
Le partage de la valeur ajoutée entre travail et capital est relativement stable en France comme aux Etats-Unis sur longue période. Cependant, comme l’ont montré diverses analyses empiriques récentes, cette stabilité d’ensemble cache en réalité des évolutions importantes au sein de chacun de ces deux facteurs de production. Au sein de la rémunération du travail, les hautes rémunérations accaparent une part croissante de la valeur ajoutée. A l’autre bout de l’échelle, le salaire minimum a, certes, joué son rôle pour limiter l’augmentation des inégalités, mais cette observation est trompeuse si le salaire minimum exclut de l’emploi une partie de la population active – essentiellement les jeunes peu qualifiés – qui, par construction, ne participe pas à la création de valeur et n’en reçoit les fruits qu’indirectement, par le biais des transferts sociaux. Pour ceux qui ont un emploi, la hausse tendancielle des prélèvements obligatoires sur le travail en France a entraîné une certaine déconnexion entre la part stable de la rémunération du travail et le ressenti des salariés en matière de pouvoir d’achat.
Par ailleurs, les transformations de l’économie amènent à se poser plusieurs questions sur le partage de la valeur ajoutée. D’abord, le développement de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise tend à déformer le partage du risque entre travail et capital, tandis que pour les entrepreneurs de la nouvelle économie, la distinction entre
rémunération du travail et du capital est obsolète. Ensuite, la montée en puissance du capital immatériel et de la rémunération de la propriété intellectuelle pose de nouveaux problèmes de partage de la valeur ajoutée : les détenteurs de la propriété intellectuelle (ou des données) s’accaparent une part croissante du revenu des ventes par le biais de prix de transfert intra-groupe difficiles à contrôler et ils localisent leur propriété intellectuelle de préférence dans des pays à faible fiscalité, ce qui tend à déformer le partage du revenu final au profit du capital. Enfin, la diffusion des technologies de l’information à l’ensemble de l’économie tend à déformer la structure des emplois en réduisant la proportion d’emplois de qualification intermédiaire au bénéfice des très qualifiés et des peu qualifiés (phénomène type Amazon).
Contributions
Patrick Pouyanné – Comment rémunérer le capital et la travail au XXIe siècle ?
Agnès Bénassy-Quéré – Une assurance-chômage européenne ?