» Notre ami, c’est la bonne finance «
Devant un parterre plein à craquer, le ton est donné par Michel Sapin, ministre des Finances. Le débat n’en est pas un, la mondialisation est perçue par tous les intervenants comme un moyen de se développer durablement… à condition que ses gains soient réinvestis dans l’économie réelle et que la finance soit scrupuleusement contrôlée.
« Je milite pour la mondialisation ». Parce qu’elle a accéléré la montée des pays émergents, Ian Goldin, directeur de l’Oxford Martin School, défend les bienfaits de la finance globale. Ce qui ne l’empêche pas de s’interroger : « Comment ce système international a pu échouer avec les meilleurs de nos dirigeants à la tête des institutions internationales ? ». Selon lui, essentiellement à cause de préceptes idéologiques. Oui, libéralisée à outrance, la mondialisation mérite correction et régulation. Le constat est le même pour Luiz Awazu Pereira da Silva, gouverneur-adjoint de la Banque centrale du Brésil. Celui-ci considère que l’intégration financière a été bénéfique non seulement pour les pays développés mais surtout pour les émergents : « Nous prenons la finance de façon naturelle, car nous sommes demandeurs d’épargne pour la croissance de notre activité ». Mais il reste vigilant quant aux caprices du marché : « Quand les actifs sont trop volatiles, la gestion de la stabilité macro-financière du pays devient plus compliquée », affirme-t-il.
Contrôler la finance, ça marche. Une surveillance accrue rend les risques systémiques visibles. Pour des leçons de stabilité et de régulation, regardons les émergents. Triangle d’or et transparence des mouvements comptables au Brésil, contrôle des capitaux et système de change flexible en Chine, ont permis de nuancer les effets d’une crise financière globale en 2008 sur le long terme. « La Chine n’a jamais souffert d’une grosse crise financière. C’est dû à la grande prudence des chinois sur le marché des taux de change », explique Yu Yongding de l’Académie chinoise des sciences sociales. Il reconnaît cependant que libéraliser avec prudence le marché intérieur, et mettre un terme à l’intervention chinoise sur la fluctuation des taux de changes à l’extérieur, est souhaitable. La Chine verrait ainsi augmenter ses revenus tirés du commerce international, qui s’élèvent déjà à près de 300 trilliards de dollars !
La gouvernance en question. Sceptique quant à la capacité du G20 à régler politiquement les crises mondiales en urgence, Ian Goldin n’est pas plus optimiste quant au sort réservé à cette institution : « Ce qui tue, c’est l’incertitude et les visions à court terme. Il faut donc que les gouvernements soient capables d’engager [des processus de changements] au-delà du cycle électoral ». Pour Michel Sapin, notre salut viendra de la coopération régionale. Dans le domaine de la régulation du shadow banking, « L’Europe doit peser dans les mois qui viennent. Nous allons vite, continuons à aller à l’encontre de la mauvaise finance », assène-t-il.
Investir, toujours investir. Réguler la finance de l’ombre et la mettre au service d’une dépense publique tournée vers l’investissement, c’est le projet du locataire de Bercy. Dans la continuité de la réforme de l’administration territoriale, il prévoit d’utiliser l’investissement public à bon escient. Il souhaite lancer un programme d’investissement public européen dédié aux grandes infrastructures d’énergie, de transports et – grande nouveauté – de logements. Il confirme la marche du gouvernement vers la croissance en proposant d’investir dans l’économie réelle. Autre idée de Michel Sapin : rendre la régulation imposée au secteur bancaire plus pragmatique pour éviter que celle-ci ne freine l’octroi de crédit aux PME et PMI dans le cadre du développement de leur activité. « Les grandes entreprises ont la capacité de chercher des financements selon leurs besoins. Mais, les autres ont plus de mal à cause de la régulation bancaire. Soyons amis avec notre ennemi », défend-il.
Maryne Zammit