Les Français font confiance à leur boucher
Il devient de plus en plus nécessaire de placer la confiance au cœur des préoccupations politiques et économiques. Quelles sont les manifestations et les conséquences d’une défiance généralisée ? Quelles solutions apporter ?
Autopsie de la défiance. La confiance est difficile à mesurer. Un sondage Haaris Interactive révèle que les Français font confiance aux pompiers, aux infirmiers et à leur boucher, tandis que les hommes politiques et les agents immobiliers arrivent en bas de l’échelle de la confiance. Cette dernière, nous dit Christophe Blanchard-Dignac, PDG de la Française des Jeux, est semblable à l’oxygène que l’on respire. On se rend surtout compte de son existence quand elle vient à manquer. Qu’elle vienne à manquer, c’est précisément ce qui pose problème dans une société d’innovation de plus en plus complexe, à plusieurs étages de réflexions et de contestations. La confiance doit s’installer à tous ces niveaux : entre l’entreprise et ses clients, l’entreprise et ses salariés, l’administration et les usagers, la classe politique et les citoyens etc. La confiance est difficile à mesurer, disions-nous. Ce qu’on peut mesurer, en revanche, ce sont les coûts provoqués par la défiance qui constitue un véritable frein à l’innovation.
Un mal français ? Les travaux de Yann Algan révèlent que les Français pourraient accroître leur revenu de 5 % s’ils faisaient autant confiance à leurs concitoyens que les Suédois. Outre nous rappeler que les Suédois font toujours mieux que nous, cette étude montre l’importance de la confiance dans le fonctionnement des institutions économiques et politiques et que nous, Français, ne sommes pas les champions de cette discipline. Pessimisme ou lucidité ? Pour Bernard Gainnier, PDG de la société PwC, la société française est véritablement gangrénée par une défiance généralisée, sur laquelle surfent les populismes de toutes sortes et qui paralysent les avancées sociales et économiques.
Restaurer la confiance. Que ce soit à l’échelle politique ou à l’échelle économique, restaurer la confiance s’avère un enjeu primordial, « un combat de chacun et de chaque instant », selon Bernard Gainnier. Pour Guillaume Pepy, qui sort d’une légère crise de confiance avec les usagers de la SNCF, la solution doit se développer en trois temps. Oser la transparence, d’abord. Agir, ensuite. Guillaume Pepy rapporte que pendant la grève, les usagers étaient moins concernés par le conflit interne à la SNCF que par les capacités d’action de la SNCF pour assurer ses services en dépit de la grève. Donner à penser, enfin : permettre aux usagers d’être des acteurs de l’innovation des services qu’ils utilisent.
Au niveau politique, il y a définitivement un avant et après élections européennes de mai dernier. C’est pour Xavier Bertrand l’avertissement clair de la menace d’un nouveau 21 avril. La défiance des Français se manifeste, pour l’ancien ministre du travail, dans une violence qui s’incarne dans l’offre politique aux extrémités de l’échiquier politique. La montée du FN ne doit pas appeler au fatalisme, mais au contraire doit constituer un élément déclencheur pour oser de nouvelles pratiques politiques au sein desquelles éthique, responsabilité et horizontalité doivent prendre tout leur sens.
Quelle marge de manœuvre ?
Une bonne nouvelle vient cependant éclairer ce noir tableau : la confiance s’apprend. C’est la conclusion du chercheur Andrei Shleifer (Harvard), qui suggère d’enseigner la confiance à l’école, à travers des travaux de groupes, pour former des citoyens qui puissent vivre plus harmonieusement en communauté. La politique et l’économie ont leurs faiblesses structurelles et ne disposent pas de marges de manœuvres illimitées. Investir dans la jeunesse pour une société de confiance, c’est la conclusion de cette conférence, qui s’ouvre sur la contribution d’un étudiant de l’ESCP sur les perspectives qu’ouvrent le crowfunding et les microcrédits solidaires.
Lydia Belmekki