Impose-moi si tu peux !
Louis XVI n’a convoqué les Etats-généraux que bien trop tard pour sauver sa tête. Plus de deux siècles après la Révolution française, certains économistes n’hésitent pas à mettre en garde contre un nouveau ras-le-bol fiscal, qui étiole le lien entre représentants et représentés. L’impôt est au cœur d’un projet de société, cristallisant le débat et les passions politiques.
L’impôt, un frein à la compétitivité ? Felipe Larrain Bascuñan (ancien ministre chilien des Finances) le rappelle, chiffres à l’appui : le niveau de prélèvements obligatoires impacte directement le comportement économique des agents de manière significative. Plus les impôts sont bas, plus les investissements sont importants. L’emploi et la croissance sont donc largement favorisés. L’équation semble évidente mais trouver ses inconnues afin de définir le niveau de taxation optimale est bien plus difficile, pour n’importe quel gouvernement. Le Chilien estime ainsi que l’imposition des Petites et Moyennes Entreprises est généralement trop élevée, alors que leur trésorerie est plus vacillante que les multinationales. L’américain James Hines (Université du Michigan) précise pour sa part que les systèmes fiscaux les plus efficients sont ceux qui taxent plus les individus que les entreprises, mais les gouvernements s’y refusent par intérêts électoraux.
La France en fait-elle trop ? Michel Cicurel (Cicurel Conseil), justement, s’épanche longuement sur la colère des Français à propos de la fiscalité. Lyrique, il s’engage dans un franc réquisitoire au gré de qualitatifs sévères : « overdose fiscale », « vice dépensier ». Michel Cicurel en appelle alors à la « purge de compétitivité et fiscale » et à « dessoûler des vapeurs de l’assistance qui nous infantilisent sans nous rendre heureux ». Le gouvernement socialiste est pris pour cible : « Il se trompe de moyens pour relancer la croissance. Favoriser la demande sans compétitivité, c’est l’emploi chez les autres, le chômage chez nous. A court terme, Keynes est bien mort. » Quand un étudiant l’interpelle sur le fait qu’un faible niveau d’imposition s’accompagne généralement de fortes inégalités au sein de la société, Michel Cicurel dément formellement une telle vue, ayant précédemment dénoncé les « excès de l’Etat-providence et une dépense publique trop forte. »
Vers une harmonisation fiscale européenne. La France est d’autant plus critiquée pour ses taxes et impôts qu’elle constitue en Europe une certaine exception. Mais une harmonisation fiscale européenne semble compliquée pour James Hines puisqu’elle obligerait les Etats-membres à choisir arbitrairement un taux de convergence. Or, les économies européennes ont toutes, rappelle-t-il, des structures différentes. Opposant l’Allemagne à Malte, puis la France à l’Estonie, l’universitaire affirme combien un tel exercice politique s’avérerait compliqué, voire impossible à réaliser. Philippe de Fontaine Vive (Banque européenne d’investissement) milite toutefois en faveur d’une convergence fiscale dans la zone euro pour mettre fin au dumping, la mise en place d’une monnaie économique ayant déjà réussi à neutraliser la guerre des monnaies.
Stop aux paradis fiscaux et à l’optimisation fiscale ! Une certaine coopération internationale en matière de fiscalité passe également par une lutte contre les paradis fiscaux et l’optimisation, énonce Felipe Larrain Bascuñan. Certaines multinationales s’affranchissent en effet de règles nationales au terme de stratégies complexes visant à répartir et diluer leurs bénéfices dans le monde. L’Irlande est ainsi particulièrement prompte à attirer des géants américains grâce à une imposition sur les entreprises faibles, alors que le pays a été un maillon faible de la zone euro. Ashwani Kumar (ancien indien ministre de la Justice) présente également le cas de Google qui, au Royaume-Uni, aurait réalisé près de 80 milliards de livres de bénéfices mais ne se saurait acquitté que de 16 millions d’impôts outre-Manche. Tout un débat !
Martin Cangelosi