La guerre des monnaies, un combat encore hors de portée pour la zone euro
Même si beaucoup de gouvernements sont en désaccord, la guerre des monnaies existe bel et bien pour les intervenants de cette session. Quelle est la place de l’Europe et de l’euro dans ce combat ? Cette zone économique est-elle armée pour cet affrontement ?
Le rôle de la BCE. La Banque centrale Européenne établie le 1er juin 1998, est l’institution chargée de contrôler le niveau de l’euro dans cette zone économique. Son rôle est clairement défini et limité en matière de politique monétaire. « La BCE a comme mission principale d’assurer la stabilité de la monnaie et des prix », explique André Cartapanis, membre du Cercle des économistes. La BCE s’appuie sur des indicateurs fiables et doit avoir une bonne lecture de la situation monétaire de la zone Euro pour mener à bien les six prérogatives qui lui sont assignées. Fabrication des billets de banque, création monétaire, contrôle des réserves de change, lutte contre l’inflation et surveillance de la stabilité financière. Pour toutes les missions qui lui sont imputées, « la BCE doit avoir des félicitations », selon Athanasios Orphanides professeur au MIT. Une vision partagée par Hans-Helmut Kotz Center for financial studies. « Cette institution fait un très bon travail, elle réagit en fonction de son environnement, et pour l’heure elle ne peut pas faire mieux », souligne cet intervenant.
Règle contre discrétion. En économie cette opposition met en exergue deux manières totalement opposées d’appréhender la politique monétaire. La politique de la règle consiste à fixer un objectif à moyen et long terme concernant la création monétaire et à le respecter. En ce qui concerne la politique discrétionnaire, les instances monétaires s’ajustent en temps réel, au coup par coup, en augmentant si nécessaire la masse monétaire d’une zone économique. Cette politique peut avoir une incidence sur le taux de change d’une devise par rapport à une autre, c’est la guerre des monnaies ! « Les variations d’une monnaie ont un impact non négligeable sur la compétitivité d’un pays », pour Jean Beunardeau, banquier à la tête de la HSBC. La dépréciation augmente en effet le prix des importations, mais contribue surtout à la baisse du prix des exportations, rendant ainsi le pays plus attractif. C’est notamment le cas de la Chine, qui avec sa politique de change, laissée à la libre appréciation du gouvernement, cristallise les tensions des autres nations. Un combat déloyal en somme. « À l’échelle mondiale environ 20 pays contrôlent leurs taux de change : la Chine bien sûre mais aussi la Suisse ou la Suède », nous apprend André Cartapanis.
Dissension au sein de l’UE. Pour Laurent Mignon de Natixix, « dans la zone euro on craint beaucoup plus la déflation que le niveau de l’euro ». Une crainte qui n’est pas partagée par toutes les nations de la zone économique. En fonction de la situation des pays, même s’ils partagent une monnaie unique, la valeur de l’euro n’est pas une conception homogène. « L’Allemagne veut un euro fort à l’inverse de la Grèce, l’Espagne ou l’Italie », précise Emmanuel Farhi professeur à Harvard University. Selon lui, l’Allemagne considèrerait que cette monnaie est dévaluée d’environ 15%. Des dissensions en matière de politique monétaire sévissent donc dans la zone euro, et pour régler tous ces problèmes, Emmanuel Farhi nous explique que «si l’euro est trop fort pour certains et trop faible pour d’autres, seules les évaluations fiscales internes à chaque pays peuvent aider à harmoniser la zone euro ». Une solution qui permettrait enfin à l’Europe de mener cette guerre de monnaies de manière beaucoup plus efficace.
Norhène Ouerfelli