La France peut-elle espérer devenir la Suède ?
Le grand fantasme des journalistes et des politiques français depuis quelques années, c’est la Suède. On ne compte plus les « modèles suédois » qui investissent tous les domaines depuis les sandwichs « au pain suédois » jusqu’à leurs gender politics. Alors que la France traverse actuellement une crise économique, elle peut (encore) essayer d’imiter la Suède.
Qu’est-ce qu’un Etat désargenté ? Jusqu’à présent, les Etats développés avaient la capacité de s’endetter facilement. Mais avec la crise que ces derniers traversent, les Etats développés ont fortement creusé leur déficit public, sans pour autant (et c’est la différence avec les pays en développement) entrevoir des perspectives de croissances. « De sorte qu’un Etat qui dépense mille milliards par an est quand même désargenté », explique Anton Brender (Cercle des économistes). Désormais les Etats doivent réduire leur budget, et la première coupe, c’est souvent l’investissement. En Espagne, ce dernier a été divisé par trois. « C’est évidemment un problème si on considère que l’investissement servait à quelque chose », déclare Anton Brender.
L’investissement et la crise. Comment, dès lors, investir en période de pénurie ? Ezra Suleiman (université de Princeton) nous rappelle le conseil de Keynes, pendant la crise de 29, qui suggérait de payer des gens pour creuser des trous et les remplir, plutôt que de les laisser ne rien faire, pour encourager la consommation, et donc la croissance. « Bon. Ce n’est pas sûr », admet Suleiman. Quoiqu’il en soit, la crise économique devient vite un problème politique. L’Etat doit choisir entre la peste (l’austérité) et le choléra (la dette). En France, le choix de l’intervention de l’Etat est moins difficile qu’aux Etats Unis où un vrai fossé idéologique oppose à ce sujet les républicains et les démocrates. En France, il y a une très grande tradition, colbertiste, de l’intervention de l’Etat.
« La France n’est pas les Etats-Unis. » René Ricol (Ricol Lasteyrie) souligne cette évidence avec une pointe de cynisme. Il est ridicule de comparer la France aux Etats-Unis parce que la France est désormais une puissance de second plan. « Mais une vraie puissance, néanmoins ! » rassure-t-il. Et à ce titre, il est nécessaire pour la France d’investir sur ce qui fait nos valeurs : l’éducation, la justice et la santé. Le sens des mots n’est, par exemple, pas anodin. Les citoyens en France sont des « contribuables », ils contribuent aux affaires de l’Etat, aux Etats-Unis ils sont des « imposables », ainsi, le citoyen américain fait tout pour payer le moins possible.
La recette suédoise. Dans les années 90, la Suède est frappée par une grave crise financière et choisit un programme de redressement économique qui préserve le capital social et l’Etat Providence. « Ce défi que nous avons relevé, déclare Gunnar Lund, ambassadeur de la Suède, c’est désormais à la France de le relever ». Quelles mesures ont été prises ? « Les choix ont été très difficiles, rapporte Gunnar Lund. Nous avons sauvegardé les hôpitaux, les écoles, mais nous avons profité de cette crise pour nous débarrasser d’un tas de niches et d’anomalie dans notre système, comme le contrat à vie pour fonctionnaires, et toutes les indexations sur les dépenses publiques. » A la France, désormais, de tirer quelque chose de positif de cette crise.
Lydia Belmekki