Déclaration finale du Cercle des économistes
À l’issue de ces trois jours de débats, près de 230 interventions ont exploré les multiples pistes et actions possibles autour du thème « Investir pour inventer l’avenir ».
Découvrez, dans cette déclaration finale, les dix recommandations du Cercle des économistes pour relancer l’investissement des acteurs économiques en France, en Europe et dans le Monde.
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L’investissement ralentit, tout particulièrement en Europe. Les dépenses d’investissement des 2000 plus grosses entreprises européennes ou mondiales continuent de baisser, alors que ces entreprises ont accumulé 4 500 milliards de dollars d’actifs liquides. Parallèlement, la croissance mondiale, en particulier dans la zone euro, reste faible. Quant à la France, le débat de politique économique s’est focalisé sur le choix entre politique de l’offre et politique de la demande, et sur le problème de la compétitivité coût, alors que la raison du décrochage français est très vraisemblablement liée à la faiblesse de l’investissement.
Comment expliquer ce ralentissement de l’investissement en dépit de taux d’intérêt historiquement bas ? Est-ce dû à l’absence de perspectives claires du progrès technique ? Au vieillissement, et à l’augmentation de l’aversion au risque qu’il induit ? A une finance devenue incontrôlable malgré des efforts de régulation, ou est-ce une conséquence de la désindustrialisation ?
Le risque est aujourd’hui mal appréhendé, mal réparti et les investisseurs s’en écartent. Investissement et prise de risque sont pourtant indissociables. L’enjeu consiste à réintroduire la culture de la prise de risque chez les différents acteurs: État, entreprises, particuliers.
C’est pour cela que le Cercle des économistes a consacré ces 14ème Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence à l’investissement, et propose les dix recommandations suivantes :
1. Rassurer les investisseurs, en clarifiant le cadre réglementaire et fiscal
Les investisseurs redoutent les modifications régulières et parfois rétroactives du cadre réglementaire et fiscal. C’est pourquoi, la première exigence serait de le clarifier puis de le stabiliser. Par exemple, une meilleure visibilité du prix du carbone, de l’électricité ou du gaz favoriserait le développement des investissements.
2. Partager les risques entre les partenaires privé et public pour pallier l’aversion au risque
Ce partage des risques peut passer par des garanties partielles ou totales par les puissances publiques des investissements privés dans des projets risqués et de long terme. Une telle approche n’est efficace qu’à condition de préserver les bonnes incitations et d’évaluer régulièrement les projets. Le système des « build-operate-transfers » peut fournir une source d’inspiration.
3. Orienter l’épargne vers l’investissement productif et le financement des entreprises
Il faut rééquilibrer la fiscalité sur les revenus de l’épargne, sur les plus-values et sur la détention de patrimoine. Le taux d’imposition des revenus de l’épargne dédiés à l’investissement productif pourrait être forfaitaire, entre 30 et 35%. Une idée pourrait être également de substituer à l’ISF une taxation spécifique du patrimoine immobilier.
4. Développer la titrisation dédiée aux PME
Développer la titrisation des créances aux entreprises peut être un bon moyen de pallier les difficultés de financement des petites et moyennes entreprises. Cela implique de modifier un peu Bâle III et Solvabilité II, pour que le coût en besoin de capital de ces produits de titrisation soit moins élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. Par ailleurs, la BCE pourrait acheter elle-même de telles valeurs mobilières.
5. Redonner confiance à la jeunesse
Il apparait indispensable pour encourager la prise de risque de restaurer une confiance en soi et en l’avenir chez les jeunes. Ceci signifie d’une part de faire évoluer les mentalités face à l’échec, et d’accompagner ceux sortis du système scolaire sans diplôme vers une formation professionnelle et personnalisée. D’autre part, les étudiants devraient être incités à suivre une formation en apprentissage et à réaliser des projets entrepreneuriaux.
6. Investir dans le capital humain des seniors
Faire face au choc intergénérationnel nécessite une transition plus progressive entre le travail et le non-travail au moment de la retraite.Mais le corolaire d’une retraite progressive, par exemple au moyen du cumul emploi-retraite, est de créer les conditions d’une meilleure employabilité des seniors, ce qui passe avant tout par l’investissement dans leur capital humain.
7. Adopter, au niveau européen, une politique d’investissements dans les infrastructures et les secteurs porteurs de croissance
On peut essayer d’appréhender, autant que faire se peut, les domaines d’activité susceptibles de se développer davantage. Le ciblage des investissements publics doit être sectoriel et non pas sur des firmes précises et doit faire l’objet d’une politique au niveau européen. Cela peut et doit aller de pair avec le développement de pôles de compétitivité.
8. Allonger la maturité de la dette publique
Nous proposons de tenter de passer à une dette à échéance la plus longue possible, comme le firent les Britanniques au 19ème siècle. Aujourd’hui encore la dette britannique a une maturité de quinze ans, plus du double de la maturité de la dette française, et pose donc moins de problèmes. De plus, dans la conjoncture actuelle, cela permettrait aux États de cristalliser les taux actuellement très bas. Cet allongement de la dette devrait être mis en œuvre à travers des émissions mutualisées des pays de la zone euro.
9. Introduire des « arrangements contractuels » dans l’Union européenne
L’idée consiste à définir, pour chaque pays, les réformes structurelles importantes en contrepartie de prêts, de garanties ou d’un allongement de la période de réduction du déficit public. Ces arrangements contractuels iraient de pair avec un accord de flexisécurité au niveau européen, et pourraient inclure une assurance chômage de la zone euro, contracyclique et accessible aux pays membre vérifiant certains critères.
10. Assouplir les règles de l’immigration qualifiée
Les flux migratoires rendent les économies plus dynamiques, créent des emplois et favorisent la croissance à long terme. Il faut ouvrir très largement les frontières de la connaissance aux jeunes et favoriser les flux d’étudiants étrangers, en particulier dans un contexte de compétition internationale où la constitution de pôles de recherche de taille critique est essentielle.
Les membres du Cercle des économistes