9 Jul 2017
L’UE et la tentation de l’Exit
Session 29
Grexit, Brexit, Frexit, Nexit… Le vocabulaire des Européens a évolué de manière étrange ces derniers mois. Derrière ces néologismes se cache un malaise profond.
L’Union européenne se trouve aujourd’hui coincée entre d’une part, son incapacité à tenir ses promesses du côté de la croissance, et de l’autre, l’incapacité des Etats à s’occuper des « perdants » de l’intégration. En poursuivant l’intégration des marchés dans le domaine des services, qui forment aujourd’hui l’essentiel de l’activité en Europe, l’UE pourrait apporter des gains substantiels en termes de productivité et donc de richesse – du même ordre de grandeur que les gains déjà engrangés depuis les années 1970. Cependant ces gains reposeront sur un processus de destruction créatrice qui produira des gagnants et des perdants. Sans dispositif efficace pour prendre en charge les perdants – en amont, via la formation, et en aval par la redistribution – les populations rejetteront toute tentative de poursuivre le mouvement d’intégration économique. Symétriquement, le ralentissement de la productivité réduit les moyens des Etats pour investir dans la formation et effectuer davantage de redistribution. L’UE doit donc avancer solidement sur deux jambes : l’intégration des marchés d’une part, la réduction des inégalités d’autre part.
La redistribution entre « gagnants » et « perdants », qui passe par les systèmes de fiscalité et de transferts sociaux, relève presque exclusivement aujourd’hui des Etats membres. Le premier enjeu dès lors est de préserver la capacité des Etats à intervenir, ce qui suppose une plus grande coordination entre Etats membres dans les domaines fiscaux et sociaux : plus de concurrence sur les marchés doit s’accompagner de moins de concurrence entre Etats.
La gravité de la situation amène néanmoins à se poser la question d’une intervention européenne dans le domaine de la prise en charge des « perdants » de l’intégration européenne, dans la mesure où l’Union est responsable de cette intégration interne et aussi externe (par la signature d’accords commerciaux avec d’autres régions du monde). Ceci pourrait passer, par exemple, par une refonte du Fonds européen d’adaptation à la mondialisation – qui se révèle assez inadapté à l’enjeu.
Même si une sortie de l’euro implique, selon le traité, une sortie de l’Union européenne (l’euro faisant partie de l’acquis communautaire), le débat sur l’euro se développe curieusement de manière indépendante. Il pose la question générale de la souveraineté monétaire dans un monde de liberté des mouvements de capitaux et dans une région du monde qui n’a jamais connu le flottement des monnaies.
Comment faut-il repenser le projet européen ? Quelle place pour chaque niveau de décision ? Faut-il redéfinir les règles budgétaires, au besoin en les re-nationalisant comme aux Etats-Unis ? La coordination des politiques économiques est-elle par nature vouée à l’échec ? Faut-il dès lors envisager de mettre en place de nouveaux outils budgétaires ? Dans ce cas, quel serait le contrôle démocratique adapté ?