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L’épargne des Européens doit financer la croissance européenne !


Macroéconomie | L'Europe et le monde

Les derniers mois ont vu une accélération des diverses initiatives visant à approfondir l’intégration des marchés de capitaux en Europe. Les superviseurs bancaire et de marché des Pays-Bas, Enrico Letta, et  Christian Noyer ont formulé des propositions concrètes pour mieux financer la croissance européenne. Le Conseil européen d’avril 2024 a fait sien cette ambition.

L’Union des Marchés de Capitaux, rebaptisée « Union de l’Épargne et des Investissements », n’est plus un orphelin politique. Au contraire, elle sera un des piliers du cycle européen qui s’ouvrira avec la nomination d’une nouvelle Commission suite aux élections européennes du 9 juin.

Un consensus émerge enfin pour résoudre un paradoxe européen. L’épargne des ménages européens s’élève à 35 500 milliards d’euros, alimentée par l’un des plus forts taux d’épargne au monde, à 13,3%. Mais l’Europe exporte cette épargne en achetant des titres de dette étrangers, et, dans le même temps, se repose sur des ressources étrangères pour financer les fonds propres de son économie. Il faut donc repenser totalement la manière de relier en Europe l’épargne et l’investissement.

Je vois sept piliers émerger pour construire l’Union de l’Épargne et des Investissements en Europe :

  1. Consolider l’accès aux marchés de capitaux des entreprises de taille intermédiaire et des sociétés technologiques ;
  2. Intégrer les infrastructures de compensation et de règlement-livraison ;
  3. Relancer la titrisation en l’appuyant sur une véritable plateforme européenne ;
  4. Mettre en place un ensemble de règles identiques pour les marchés de capitaux ;
  5. Créer une supervision unique efficace pour les principaux acteurs des marchés de capitaux opérant dans plusieurs États membres ;
  6. Transformer le cadre de la liquidité du marché pour diriger une part bien plus importante de l’épargne européenne vers les actions des sociétés européennes cotées ;
  7. Créer un réel test de compétitivité mondiale pour permettre la consolidation des marchés européens, afin de créer, en Europe, des leaders globaux dans le secteur des marchés de capitaux.

Pour réaliser ces transformations, il nous faut des infrastructures de marché puissantes et capables de se développer. En moins de 25 ans, Euronext est devenu une pièce centrale de l’Union des Marchés de Capitaux en Europe. Aujourd’hui, Euronext est prêt à contribuer activement à la nouvelle phase d’unification des  marchés de capitaux, en apportant son expertise dans deux domaines.

D’abord, dans la création d’un accès européen unique pour les entreprises de taille intermédiaire et pour les entreprises technologiques, en partenariat avec toutes les autres places financières souhaitant s’engager dans ce projet qui permettra d’offrir aux entreprises un mécanisme de financement intégré et efficace à l’échelle du continent.

Ensuite, pour continuer à réduire la fragmentation des activités de post-négociation, en approfondissant les initiatives que nous avons déjà pu mettre en place chez Euronext, pour que le bassin de liquidité européen unique soit soutenu par une structure post-marché simplifiée, rationalisée et entièrement intégrée.

Si nous nous mobilisons collectivement, je suis certain que nous saurons combler notre retard par rapport aux États-Unis dans le financement de l’innovation. Mais deux évolutions essentielles ne dépendent pas de décisions européennes et doivent être prises immédiatement au niveau des États membres.

Il faut d’abord supprimer tous les mécanismes qui détournent artificiellement l’épargne à long terme des investissements en actions au profit des instruments de dette. C’est-à-dire éliminer les distorsions fiscales à destination des ménages et revoir les ratios prudentiels applicables aux investisseurs institutionnels. Augmenter la part de l’épargne européenne investie en actions permettra non seulement d’obtenir des rendements à long terme plus élevés, mais aussi de soutenir la compétitivité, le développement économique et l’emploi en Europe.

Ensuite, il faut rapidement permettre l’émergence de régimes de retraite par capitalisation. On ne peut déplorer l’écart existant entre les États-Unis et l’Europe quant à la place des investisseurs particuliers dans les marchés en actions, respectivement 30% et 3%, si l’on refuse de considérer que la plupart des ménages aux États-Unis doivent investir en actions pour garantir leur retraite, là où la plupart des ménages européens doivent, eux, espérer que leurs concitoyens continueront de payer des taxes et des cotisations sociales lorsqu’ils prendront leur retraite.

Un leadership politique puissant est indispensable pour établir une Union de l’Épargne et des Investissements en Europe. Cette union dépendra massivement de décisions nationales prises par les États membres pour orienter l’épargne vers les sociétés cotées, en créant les conditions les plus adaptées pour les ménages et les investisseurs institutionnels.


Stéphane Boujnah

Directeur général et président du directoire d’Euronext