La désintermédiation numérique dans le secteur financier : Enjeux et Perspectives
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Dans le contexte actuel de transformation numérique, la désintermédiation affecte tous les secteurs économiques, y compris le secteur financier. Cette transformation, marquée par une recherche de transparence et d’interaction directe, modifie profondément les relations entre les clients, les consommateurs et les institutions financières.
1. La désintermédiation au-delà des banques : une transformation globale
a. Rôle des intermédiaires et innovation
La désintermédiation est en partie alimentée par une défiance croissante envers les corps intermédiaires. Les clients pensent avoir un meilleur service en échangeant directement avec les prestataires de services. Cette tendance reflète une volonté de réduire les coûts, de gagner du temps, d’accroître la confiance en éliminant les couches intermédiaires perçues comme opaques et superflues.
L’émergence des technologies de registres distribués (DLT) telles que la Blockchain est une modalité de cette désintermédiation. L’architecture du marché n’est plus centralisée chez un tiers de confiance. La monnaie n’a plus besoin de banque centrale, la conservation de titre d’un dépositaire, etc.
b. Besoin persistant de confiance
L’individu, malgré toutes les interfaces connectées et tous les outils d’intelligence artificielle, a besoin d’une société autour de lui.
Sans institution bancaire, chacun d’entre nous passera son temps à choisir son prestataire, à accepter des contrats léonins (l’asymétrie de pouvoir entre le consommateur et le fournisseur est énorme) et donc à payer plus cher ses services.
C’est d’autant plus regrettable qu’il y a un besoin constant de relations de confiance, notamment envers les banques. Ces dernières demeurent en effet des institutions majeures en lesquelles les clients ont confiance, facilitant l’accès au crédit, et le fonctionnement de l’économie. L’étude annuelle de l’IFOP pour la FBF montre que 90% des Français ont une bonne image de leur agence bancaire, 89% de leur banque et 88% de leur conseiller.
c. Exigence d’interaction directe
Bien que le client soit de plus en plus autonome sur des opérations bancaires du quotidien, il y a des moments de vie, comme lors d’un achat immobilier ou le lancement d’une activité professionnelle, où l’échange avec un.e conseiller.e bancaire est important. Le maintien d’un réseau d’agences est essentiel pour offrir conseil et expertise de proximité, dans une relation de confiance construite dans la durée. Cela est possible grâce à un maillage territorial important, avec près d’une agence sur trois en zone euro qui se trouve en France.
2. La démutualisation et ses conséquences
a. Importance de la mutualisation
Malgré une tendance à l’individualisation, la mutualisation des coûts demeure cruciale pour le fonctionnement de la société, notamment dans des domaines comme la sécurité sociale, les retraites, l’assurance et le modèle bancaire universel. La mutualisation permet des économies d’échelle et renforce la solidarité et la réciprocité, éléments essentiels à la confiance collective. Cependant, le risque de disparition de la mutualisation se profile avec l’utilisation croissante des algorithmes pour une connaissance parfaite des risques individuels. Comment fonctionnera la convention Aeras quand toutes les données de santé seront partagées ? Comment fonctionneront les mécanismes de solidarité quand toutes les relations sociales auront été désintermédiés et que votre contrepartie connaîtra parfaitement votre risque ?
b. Confiance mutuelle et stabilité économique
La confiance mutuelle est fondamentale pour le bon fonctionnement de l’économie et de la société. Les banques, en instaurant cette confiance, jouent un rôle crucial dans la dynamique économique. Un monde sans banques serait statique, car le rôle des banquiers est de favoriser le mouvement et l’innovation. Sans cette confiance et ce soutien, l’économie serait paralysée.
3. Qui tire avantage de la situation ? L’impact des GAFAM et des données
a. Régulation des banques vs Liberté des plateformes
Les acteurs GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) profitent de la désintermédiation en proposant des modèles économiques basés sur l’individualisation et la gestion des données, qui leur confèrent une influence considérable. Cela créé un déséquilibre entre la régulation des banques et la liberté des plateformes, qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations ni responsabilités.
b. Cybersécurité et Innovation
Les banques ont toujours été à la pointe de l’innovation tout en garantissant la sécurité des fonds et des données. Selon le dernier sondage IFOP de juin 2024, c’est à leur banque que les Français font le plus confiance pour la sécurité de leurs données personnelles (72%) loin devant les GAFAM (37%) et les moteurs de recherche (34%).
Ces enjeux complexes de cybersécurité exigent des efforts continus. Ainsi, les banques françaises investissent massivement dans la sécurité informatique pour protéger les informations financières de leurs clients contre les cyberattaques et les fraudes.
La pédagogie joue aussi un rôle crucial dans la réduction des risques cyber. A ce titre, le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, la Banque de France, la Fédération bancaire française (FBF) et l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement (OSMP) ont lancé début juin une grande campagne de sensibilisation en presse écrite, radio et sur internet pour rappeler aux Français la nécessité d’être vigilant face aux tentatives de fraude aux moyens de paiement.
Conclusion
La désintermédiation numérique dans le secteur financier soulève des enjeux complexes de confiance, de régulation et d’innovation. Si elle promet une plus grande transparence et une interaction directe, elle nécessite aussi un équilibre délicat entre désintermédiation et maintien de la confiance mutuelle. Cet équilibre ne peut être trouvé que si les prestataires sont soumis aux mêmes règles pour de mêmes pratiques commerciales. Aujourd’hui, ça n’est pas le cas. Les banques doivent évoluer pour répondre aux nouvelles attentes tout en garantissant la sécurité et la confiance des clients. Les institutions, régulateurs et pouvoirs publics, doivent adapter leurs outils pour que des entreprises de fait concurrentes soient soumises à des règles similaires.