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Plaidoyer pour un « entreprenariat diplomatique »


Société | Les individus

Paul Valéry définissait ainsi l’art de la guerre : « un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas. » Combien de morts faudra-t-il atteindre pour que la sonnette d’alarme puisse être tirée et que l’on en appelle à l’humanité toute entière pour participer à une réflexion sur la gouvernance internationale géopolitique ?

C’est ce à quoi aspire l’« entreprenariat diplomatique » qui n’est en aucun cas antinomique avec la diplomatie traditionnelle. Proche de ce que les Américains désignent comme « diplomatie civile », il s’agit d’initiatives émanant de la société civile et qui influencent directement les relations diplomatiques internationales. L’approche américaine se base sur l’engagement d’individus tels que le physicien Robert W. Fuller qui ose se rendre en Union soviétique dans les années 1970 afin d’atténuer les effets de la guerre froide.

En y ajoutant la dimension « entrepreneuriale », j’y adjoins l’importance de la créativité inhérente au fait que l’initiative vient de la société civile en réel connaissance du terrain. Ces initiatives peuvent ainsi être culturelles, artistiques, sportives ou même commerciales.

Citons l’importance du ping-pong par exemple dans cette approche diplomatique qui permit les échanges de joueurs de ping-pong entre les États-Unis et la Chine dans les années 1970. Cet « entreprenariat diplomatique » ouvrit la voie à un renouveau dans les relations sino-américaines et donna lieu à la visite du président américain Richard Nixon en 1972 en Chine.

Parler de « diplomatie commerciale » dans ce contexte d’« entreprenariat  diplomatique »  ne revient pas seulement  à essayer de promouvoir un rayonnement diplomatique d’un certain pays dans le but de promouvoir ses investissements. Mais d’entrevoir la capacité d’un relationnel entre des pays acceptant de passer des accords financiers au-delà d’un rapport prédéterminé par le politique. C’est ce que stipule l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord puisque le projet européen a survécu à la guerre froide ou aux guerres en ex-Yougoslavie parce qu’il a su profiter de l’opportunité que le commerce offrait de travailler ensemble pour relever des défis politiques, voire plus globaux, afin de parer au risque de différends et de conflits.

Parlons enfin de « diplomatie féministe ». L’expression n’a rien à voir avec une revendication extrémiste excluant les hommes des gouvernements. L’initiative de Margot Wallström ministre des Affaires étrangères suédoise a pour but de faire reculer les violences faites aux femmes, promouvoir l’éducation des filles, aider les femmes à l’accès à des postes stratégiques de gouvernance et mettre en place plus de femmes autour des tables de négociations diplomatiques. L’enjeu de la participation des femmes dans les gouvernements est capital pour proposer une réflexion plus complète notamment sur les enjeux de terrain.  Mentionnons par exemple en 2003 la Women of Liberia Mass Action for Peace (Action de masse des femmes du Libéria pour la paix) parti d’un petit groupe de sept femmes devenu un mouvement de masse où Chrétiennes et Musulmanes se sont engagées pour arrêter la guerre et trouver une paix durable. Les initiatives comme celles de « Women Wage Peace » et « Women of the Sun », mouvement de mères palestiniennes et israéliennes qui ouvrent un espace de dialogue pour faire cesser les violences en Israël et à Gaza. L’initiative « Road Home » des mères et épouses russes ayant créées un canal Telegram de plusieurs centaines de milliers de followers pour que les soldats sur le front stoppent la guerre en Ukraine et reviennent sains et saufs. Les Accords internationaux de Diplomatie Féministe et les Accords Africains de Diplomatie Féministe que j’ai pu faire signer peuvent également être mentionnés s’appuyant sur l’exemple islandais en lien avec les « Accords de Sarah et Hajar », équivalent féministe des « Accords d’Abahram ».

Rappelons que le mot « diplomatie » est issu étymologiquement du latin « diploma » qui signifie « double » puisque sous l’Empire romain tous les passeports et certificats officiels pour les voyageurs étaient gravés sur des plaques de métal doubles. Mais ce double n’est-il pas également cet autre qui nous regarde lors d’une négociation avec la conscience d’avoir une humanité à préserver ? Gageons que l’« entreprenariat diplomatique » permettra à la diplomatie de « sortir du politiquement correct » pour faire advenir un avenir « éthiquement correct » avec moins de calculs d’égos, moins de stratégies d’influence et plus de respect pour la dignité humaine.