IA générative : au-delà du spectacle, l’enjeu de l’adoption au quotidien

L’engouement actuel pour l’IA générative est indéniable, porté par des applications spectaculaires comme les agents conversationnels ou les générateurs d’images et de vidéos. Qui n’a pas été ébloui par les prouesses de ChatGPT ou des outils de création d’images à partir de simples descriptions textuelles ?

Les dirigeant(e)s d’entreprise doivent prendre leurs décisions d’adoption en étant conscients de cette dynamique et des injonctions contradictoires auxquelles ils sont soumis. D’un côté, les employés peuvent légitimement craindre d’être remplacés par des machines « intelligentes ». De l’autre, l’enjeu est de ne pas passer à côté d’un levier de productivité majeur dans un contexte de rude concurrence.

Au-delà de l’effet « waouh », le véritable enjeu réside dans l’intégration réussie de cette technologie dans les tâches et flux de travail quotidiens des professionnels.

Prendre du recul sur les discours techno-optimistes

Si les promesses de l’IA générative sont incroyables, il est essentiel de tempérer les discours trop enthousiastes et de prendre du recul.

Le rythme d’amélioration des IA ralentit déjà, et il semble y avoir moins d’applications qu’on ne l’imaginait au départ, même pour les plus performantes d’entre elles. Les coûts de développement de maintenance de l’IA sont extrêmement élevés. De nouveaux modèles d’IA concurrents apparaissent constamment, mais il faut beaucoup de temps pour qu’ils aient un impact significatif sur la façon dont la plupart des gens travaillent. Comme souvent avec les nouvelles technologies disruptives, une phase de désenchantement suit donc la période d’engouement initial.

Les gains de productivité liés au déploiement de l’IA se jouent plus aujourd’hui sur ces quelques minutes gagnées par jour sur la recherche d’information, ces erreurs évitées dans un document administratif ou la personnalisation d’un mail que sur la destruction ou le remplacement d’emplois.C’est certes moins impressionnant qu’un agent qui remplacerait des fonctions entières de l’entreprise. Mais ces cas d’usage (en grande partie associés à la lecture, la synthèse, la sélection d’information et l’écriture) fonctionnent, et ils ont déjà des effets macroéconomiques concrets.

Des gains de productivité tangibles dès aujourd’hui

Si l’on se fie à la première étude sur les impacts macroéconomiques de l’IA générative menée par Daron Acemoglu du MIT, environ 20% des tâches professionnelles pourraient d’ores et déjà être automatisées par l’IA générative, représentant des gains de productivité réels de 4 à 5%. Ces gains proviennent principalement de l’automatisation de tâches fastidieuses et chronophages comme la rédaction de documents administratifs, le traitement de données volumineuses ou la génération de rapports.

Cette étude nous montre que nous ne sommes qu’au début du potentiel de l’IA générative. Son adoption se fera de manière progressive et pragmatique, en s’intégrant dans la routine et les flux de travail existants, plutôt qu’en les bouleversant totalement. Les professionnels confrontés à des volumes massifs de données (dans des secteurs aussi divers que la finance, le droit, la santé…) sont déjà gagnants.

L’opportunité des applications d’IA spécialisées

Pour capter au mieux ce potentiel, les analystes s’accordent à dire que ce sont les applications IA hautement spécialisées, conçues pour automatiser des tâches métiers spécifiques, qui auront le plus de succès. Leur capacité à s’imposer dépendra de leur fiabilité à effectuer ces tâches de manière plus rapide, précise et performante que les humains. A l’inverse, les applications généralistes comme les générateurs d’images ou de vidéos risquent d’avoir un impact plus limité, du moins à court terme.

L’essentiel sera l’adoption concrète et durable de l’IA par les professionnels au quotidien, au-delà de l’effet de nouveauté. Pierre Ferragu, de New Street Research, estime ainsi que ces nouveaux agents d’IA spécialisés représenteront un chiffre d’affaires de 100 à 200 milliards de dollars d’ici 2027.

En somme, si l’IA générative promet des transformations spectaculaires à long terme, son véritable enjeu réside dans son intégration pragmatique et progressive dans les processus métiers existants. En prenant les bonnes décisions aujourd’hui, en rassurant leurs équipes tout en saisissant les opportunités, les entreprises peuvent d’ores et déjà en tirer des bénéfices substantiels en termes de productivité et de compétitivité.