Entreprises : investir pour réussir en contexte de ralentissement économique
Macroéconomie | Les pays
Écrit pour la session 2 – Récession : évitée ou différée ?
Comment l’incertitude sur la croissance impacte-t-elle l’investissement ?
Des entreprises françaises qui continuent d’investir malgré le contexte économique
En tant que dirigeante d’un cabinet de conseil, en prise directe avec les organisations, et impliquée à leur coté pour les aider à initier des chantiers d’adaptation au contexte économique actuel, je constate que l’état d’esprit des entreprises françaises est globalement bon.
En dépit des incertitudes et de la récession, nos clients continuent à travailler sur des enjeux de transformation de long terme désormais non négociables comme la digitalisation/automation avec l’aide de IA, la modernisation de leurs actifs technologiques, la transition énergétique, ou les nouveaux modes de travail
Et si l’on peut s’attendre à un ralentissement dû à l’incertitude et au resserrement des conditions de crédit, quelques particularités devraient favoriser l’appétence à l’investissement long terme :
- la réserve d’épargne accumulée depuis le Covid, qui reste intacte et se transformera en partie en épargne financière
- des plans d’investissement public inédits
- des profits de sociétés qui n’ont jamais été si élevés – un certain nombre d’industries ont réussi à répercuter l’inflation des matières premières sur les prix de biens et services.
Investir avec prudence : la clé pour transformer l’incertitude en opportunité
Nos études menées sur le temps long nous rappellent que c’est pendant les périodes d’incertitude élevée, de croissance faible ou incertaine, que se créent les plus grands écarts entre concurrents dans un secteur donné, en termes de parts de marché, de rentabilité et de valorisation.
Sur ces périodes, nous avons en effet constaté une augmentation de près de 50% de « rising stars » – ces sociétés qui passent du dernier quartile au 1er en termes de de profitabilité – tandis qu’environ 90% des sociétés ont vu leur profitabilité décroitre et sont passées du 1er quartile au dernier.
Les véritables vainqueurs de cette situation seront donc les entreprises qui continuent à investir tout en étant plus prudentes. La stratégie gagnante pour nous serait la suivante :
- Gérer la liquidité (qui a désormais un coût) et surtout protéger/renforcer le bilan – la notion d’actifs recouvrant non seulement les actifs réels/financiers mais aussi le capital de confiance des clients et le capital humain.
- Préserver les investissements critiques (data/IA/IT, formation…) pour générer des avantages compétitifs
- Ancrer une culture d’efficacité permanente qui permet d’anticiper les efforts (au-delà de la période de ralentissement)
- Rester attentifs aux opportunités de croissance externe qui peuvent changer la donne en termes de positionnement compétitif
Quels investissements privilégier ?
L’urgence des investissements pour la transition énergétique.
Selon le rapport Pisani-Ferry, la France devra investir 60 milliards d’euros supplémentaires par an d’ici 2030 pour respecter la trajectoire de réductions des émissions de GES. Ce sont des montants colossaux. Et pour nos clients, c’est une révolution.
Il s’agit pour eux de financer une profonde réinvention de la conduite de leurs opérations mais aussi de repenser leurs produits et services. Pour une société de logistique, l’enjeu sera par exemple de réduire son empreinte carbone à travers une meilleur définitions des trajets, de horaires de charge voire des modalités de livraison. Pour une industrie manufacturière, la priorité sera d’optimiser la consommation énergétique de ses procédés. Une banque orientera les financements de ses clients, ses investissements ou réduira l’impact de ses services.
Toutes ces transformations nécessitent de bâtir une vision détaillée du changement à apporter sur un cycle long (20 à 30 ans), de définir un plan de financement, et de créer un écosystème de partenaires afin de disposer des compétences requises.
L’état aura sa part dans le financement de cette transition – à travers notamment une gestion efficace de la dépense et de l’investissement publique – et devrait également jouer un rôle clé dans la structuration de supports d’épargne de longue terme (au-delà de la retraite).
La nécessité de poursuivre les investissements dans les nouvelles technologies et notamment l’IA
Les récentes avancées en termes d’IA et d’IA générative offrent des cas d’usage presque illimités, et représentent un potentiel à la fois de rupture pour les secteurs de l’économie, et d’accélération de la transformation de nos sociétés.
Au-delà des aspects purement techniques et règlementaires, et des débats concernant l’impact sur l’humanité future, ces technologies constituent une opportunité concrète en termes « d’augmentation du capital l’humain » et de support à la transition.
Investir en IA peut ainsi permettre à un collaborateur d’être plus rapide, efficace et pertinent dans sa réponse à un client. Ou bien de créer un chatbot capable d’optimiser l’expérience et le parcours client sur un site web, à l’image de que nous avons fait récemment pour un leader de la grande distribution en France. C’est gagnant-gagnant : on améliore la satisfaction client (ce qui se traduit par un impact économique mesurable à travers la fidélité client) ainsi que l’engagement d’un collaborateur (en éliminant les éléments irritants et répétitifs et à faible valeur ajoutée, l’IA lui permet d’être plus productif et/ou d’apprendre à faire autrement son métier).
Les efforts de modernisation des actifs technologiques et la digitalisation sont au cœur de la transformation des business. Les dépenses mondiales dans l’IA devraient ainsi augmenter de manière significative, et de manière beaucoup plus rapide qu’auparavant – quelques semaines ou mois pour la mise en production vs plusieurs mois ou années il y a encore 5 ans. Selon International Data Corporation (IDC), les dépenses consacrées à l’IA devraient atteindre 97,9 milliards de dollars en 2023.
Conclusion
Ce sont les entreprises qui s’adapteront le mieux et le plus vite à la nouvelle donne qui seront les gagnantes de demain au sortir de la récession : en innovant dans l’organisation du travail, en faisant de l’entreprise un moteur de la transformation de la société sur les plans environnementaux, d’inclusion et de diversité, et en se préparant aux bouleversements générés par l’IA. Le contexte volatile actuel doit permettre aux entreprises de faire des choix stratégiques et prendre des risques pour se démarquer.