Etat d’urgence économique
« Nous avons tenté, avec de nombreuses insuffisances, d’articuler une politique économique de court terme et des exigences de long terme, ce que l’on pourrait appeler une stratégie économique nécessaire. »
Les membres du Cercle des économistes (1)
La situation que nous vivons aujourd’hui est particulièrement importante, entre craintes sociales pour les prochains mois et ambition économique pour les années à venir. Oui, nous sommes convaincus que nous risquons d’une part de faire face très prochainement à un choc économique et social important auquel nous devons répondre par des décisions urgentes, et d’autre part qu’il nous faut relancer le débat avec ambition sur les grands sujets qui structurent l’évolution du monde. Le débat doit s’appuyer sur l’évaluation des politiques publiques actuelles, essentielle pour parvenir à trouver un consensus sur l’état des lieux économique du pays et réussir à définir les points d’accord et de désaccord.
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Le poids du court terme
Dans cette situation, l’exigence d’une vraie stratégie économique s’impose pour les cinq ans à venir. Nous faisons pourtant face à une absence de vision claire. La priorité absolue est d’abord d’analyser et de proposer ce qui devrait être fait sur les deux points nodaux, les politiques monétaires et les politiques budgétaires, qui sont plus que jamais étroitement liées.
Deux options face à l’inflation
La manière de traiter l’inflation est au cœur même de la stratégie économique que l’on souhaite mener. Il nous paraît important de rappeler que la banque centrale est indépendante et doit mener la politique monétaire qu’elle juge opportune. Elle a selon nous deux possibilités face à l’inflation : donner la priorité à la lutte contre l’inflation ou au maintien de la croissance. Ce choix conditionne les marges de manœuvre dont dispose la politique budgétaire, ainsi que les investissements que nous pouvons réaliser et les moyens de les financer.
La première stratégie est une politique monétaire restrictive, prônée par les banques centrales, pour contenir l’inflation, mais fait courir le risque d’une récession. Cette politique laisse entendre que le financement des nouvelles dépenses se fera par plus d’impôts, compte tenu de la remontée des taux d’intérêts qu’entraîne cette option.
Le seconde stratégie est une politique monétaire accommodante, comme c’est le cas depuis plusieurs années, pour donner la priorité à la croissance mais fait courir le risque d’un emballement de l’inflation. Elle laisse entendre que le financement des nouvelles dépenses se fera par de la dette.
La stratégie économique adaptée
Nous pensons que la stratégie économique à adopter doit se dérouler en trois temps.
Premièrement, il faut donner la priorité au maintien du pouvoir d’achat des plus modestes (revenu allant jusqu’à 1,2 fois le Smic). Pour cela, il apparaît judicieux de regrouper les aides au sein d’un chèque unique pour une durée de 12 mois maximum, afin d’éviter le risque de créer une spirale inflationniste.
Deuxièmement, il faut réduire les dépenses publiques par la réorganisation et la numérisation de l’administration publique d’une part, et par une réforme du système de retraite d’autre part, qui contribuerait à l’augmentation du taux d’emploi. Cette réorganisation du fonctionnement de l’Etat et l’augmentation du taux d’activité redonneront de la crédibilité à l’action de l’Etat pour faire des investissements.
Troisièmement, il faut effectuer des investissements conséquents de long terme, que nous estimons à 100 milliards d’euros. Ces investissements massifs, en particulier dans les domaines de l’éducation, de la recherche, de l’innovation et de la transition écologique, doivent contribuer à la croissance de long terme et nous permettre de réussir les transformations du monde.
La situation économique et sociale de court terme est très délicate. N’oublions jamais que les crises accélèrent les phénomènes de pauvreté. L’urgence de la situation requiert un sursaut national. Les douze prochains mois seront décisifs pour limiter toute tension économique et sociale. Toutes les propositions que nous formulons supposent des modalités de financement.
Sept décisions à prendre
Réussir les transformations du monde
L’urgence ne doit en aucun cas être un frein ou entrer en contradiction avec l’ambition que nous avons de réussir les transformations du monde qui, elles, s’étalent sur une période longue. Pour le long terme, l’enjeu est bien le débat, très rare pendant les dernières campagnes électorales.
Nous sommes convaincus que le débat doit exister, en particulier sur ces cinq grands sujets : la transition écologique, la souveraineté industrielle et technologique, les stratégies de redistribution, la jeunesse et la formation, et le pacte social intergénérationnel.
Cinq grand sujets de débat
1 A l’exception d’Agnès Bénassy-Quéré, Laurence Boone, Benoît Coeuré et Claire Waysand que leur statut institutionnel oblige à un devoir de réserve.