Un événement du Cercle des économistes
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Repenser l’agriculture.


Environnement | Modes de vie

Écrit pour la session 5 « Repenser l’agriculture »

Pour une agriculture forte, responsable et en prise avec la société

Quoi de plus fondamental que de se nourrir ? Nos agriculteurs ont été et sont toujours au rendez-vous pour que les Français, et les Européens, ne manquent de rien. A l’aune des crises internationales actuelles – pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine – nous redécouvrons partout dans le monde l’enjeu fondamental de la souveraineté alimentaire et la place centrale jouée par l’agriculture dans nos sociétés, que l’on pensait acquis. Les Français en sont conscients, ils sont ainsi près d’un sur deux à exprimer une inquiétude pour la sécurité alimentaire à l’horizon 2050. L’horizon 2050, c’est demain.

Désormais repenser l’agriculture, c’est penser notre indépendance stratégique à l’échelle du monde et, en premier lieu, notre souveraineté alimentaire assurée par nos agriculteurs. C’est ce que nous faisons dans nos usines, en France et en Europe, quand nous écrasons des graines de colza ou de tournesol pour produire de l’huile et du tourteau riche en protéines végétale. Depuis 40 ans, à l’initiative du monde agricole, Avril contribue de fait à réduire la dépendance en protéines de la France et de l’Europe. Et nous devons aller plus loin quand on voit que des pays comme la Russie utilise l’agriculture comme une arme géopolitique. Déjà aujourd’hui dans le conflit actuel et demain plus encore, quand le réchauffement climatique rendra cultivables de larges étendues de son territoire. La menace d’une crise alimentaire mondiale devient, dès lors, un scénario plausible qu’il faut anticiper en renforçant notre production.

Arnaud Rousseau

Mais attention, la souveraineté alimentaire, ce n’est ni l’autonomie, ni l’autarcie. Adoptons une réflexion commune pour une agriculture solidaire et ouverte sur le monde : l’échelle pertinente est celle d’une Europe agricole et souveraine.

Je défends la vision d’une agriculture moderne et compétitive à l’échelle internationale. Mais attention, la souveraineté alimentaire, ce n’est ni l’autonomie, ni l’autarcie. Adoptons une réflexion commune pour une agriculture solidaire et ouverte sur le monde : l’échelle pertinente est celle d’une Europe agricole et souveraine. Aujourd’hui, seulement 10 pays dans le monde ont la capacité d’exporter. Nous avons donc aussi une responsabilité envers nos partenaires, particulièrement ceux qui étaient jusqu’alors dépendants de la Russie et de l’Ukraine : l’Afrique, le proche Moyen-Orient… Au nom de quoi le savoir-faire français ne permettrait-il pas de faire du co-développement ?

Une agriculture forte est une agriculture qui continue à produire et, surtout, qui produit mieux !

A-t-on obligatoirement besoin de passer par une vision décroissante de la politique européenne pour atteindre l’objectif environnemental, aussi essentiel soit-il ? Je ne le crois pas. Faire de l’agriculture une partie de la réponse au changement climatique, dont elle est également victime (en témoigne l’actualité récente : sécheresse, intempéries, vagues de chaleur…), est un objectif majeur du futur modèle agricole que nous devons créer. Les agriculteurs sont porteurs de solutions pour le climat – l’adaptation des cultures, la génétique, le carbon farming – qu’il appartient à la puissance publique d’accompagner. Nous avons les leviers et sommes les premiers alliés de la terre : c’est d’ores et déjà le cas lorsque nous plantons des haies pour créer de la biodiversité, améliorons le bilan carbone de toute la chaîne de valeur agro-alimentaire ou stockons du carbone.

L’agriculture française est en mesure, grâce à tous les atouts qui sont les siens aujourd’hui et grâce à ses bras, de répondre à ces deux enjeux majeurs, notre souveraineté alimentaire et notre transition écologique.

Repenser l’agriculture et lui permettre de relever les défis qui lui sont posés, c’est lui donner les moyens de réussir en adressant les enjeux qui traversent le secteur, à commencer par la rémunération des agriculteurs. Le revenu de ceux qui nous font vivre est l’affaire de tous, c’est également ce qui permettra de redorer l’image et l’attractivité du métier pour nos jeunes alors que 50% des agriculteurs prendront leur retraite d’ici 10 ans.

C’est de cette agriculture forte et responsable dont nous avons besoin afin de faire mieux partager les enjeux – souveraineté, écologie, revenus – du monde rural aux Français tout en étant au cœur des transitions sociétales. Ces défis se retrouvent tous dans une même vision : celle de la réconciliation entre la ruralité et le reste de la société.

Il y a plus de méconnaissance que de défiance envers l’agriculture, les Français adorent leurs agriculteurs ! 91% des Français ont une très bonne opinion d’eux. L’agriculture française a besoin de femmes et d’hommes engagés Dans un contexte d’urbanisation et d’isolement de plus en plus fort de nos territoires, l’agriculture doit être considérée comme l’atout qu’elle est pour l’attractivité de nos territoires ruraux. L’agriculture, c’est ce lien qui nous unit. Valoriser la ruralité, c’est un combat culturel, contre l’agri-bashing mais surtout pour que la France devienne la première puissance agricole durable et que chaque Français en soit fier.


Arnaud Rousseau, Président de la Fédération française des Producteurs d’Oléagineux et de Protéagineux (FOP) et d’Avril Gestion