La finance à impact ? ni un gadget, ni une usine à gaz, simplement du bon sens.
Environnement | Modes de production
Écrit pour la session 22 « La finance à impact, illusions et réalités »
La finance à impact n’est ni un gadget, ni une usine à gaz, mais tout simplement du bon sens. Ce n’est pas un gadget car elle vient répondre au besoin concret d’un monde aux ressources finies que certains découvrent presque surpris. Ce n’est pas non plus une usine à gaz, si on dépasse une vision conceptuelle et parfois éloignée de la réalité des entreprises et des enjeux des critères ESG pour entrer dans la réalité des chaînes de valeur. S’appuyer sur le bon sens pour irriguer une économie repensée, c’est permettre une performance à la fois financière et extra-financière.
Derrière la complexité de l’acronyme ESG se cache une réalité simple. Pour que le système perdure, c’est-à-dire que l’humanité continue d’exister, la croissance doit être durable. Dit pragmatiquement, les ressources naturelles, humaines et financières utilisées doivent être restituées en créant et en partageant en retour de la valeur. A défaut le système calera. Car, les ressources sont épuisables, celles de la planète comme les hommes et les femmes qui la peuplent, qui sont autant consommateurs que salariés. Il ne s’agit donc pas de poursuivre dans les incantations mais bel et bien d’aligner une bonne fois pour toute la gestion de nos ressources avec la réalité d’un monde fini.
Ne pas anticiper cette dimension pour les entreprises, constitue aujourd’hui une faute et une erreur de jugement majeure. Celles qui n’auront pas intégré une gestion finie de leurs ressources dans leur activité s’exposent de fait à la réalisation de risques aux impacts financiers majeurs. Elles s’exposent ainsi à la fuite de leurs clients, à la désolidarisation de leurs salariés mais également de leurs actionnaires. Cette réalité implacable impose donc de savoir regarder au même niveau les indicateurs financiers et extra-financiers.
Quel qu’il soit, direct ou indirect, l’impact doit être mesurable et mesuré sur la base d’indicateurs revus par un tiers indépendant. Pas de déclaratif. Que ce soient pour les émissions évitées, la capacité de renouvelables ou de batterie électrique pour véhicule développée, l’aptitude à démontrer l’impact est clé.
Simplement distinguer l’ESG de l’impact, le reporting de l’action concrète
Et sur ce sujet il s’agit de noter que la multiplication constante d’indices externes, avec des méthodes non homogènes, contribue à créer pour les entreprises et les investisseurs un référentiel illisible et complexe. En fait d’outils de mesure et de prise de décision efficaces, cette démarche, toute louable qu’elle soit, a été une dépense d’énergie incroyable pour au final une capacité d’évaluation et d’action très pauvres. En attendant que les méthodes se stabilisent, les gestionnaires d’actifs ont sur ce sujet un rôle important à jouer auprès des entreprises de leur portefeuille pour les aider à faire le tri, et tendre vers une agrégation intelligible et facilement actionnable des critères financiers et extra-financiers. La division entre le business et les experts ESG n’a aucun sens pour engager la transition face à un système devenu intenable. Passer d’une politique de développement durable menée isolement à une intégration core business de la durabilité s’impose. En cochant des critères ESG, on additionne des contraintes et des injonctions contradictoires qui alourdissent toutes capacités à pivoter ou transformer les modèles, et de facto on se limite à une approche incrémentale. Or, c’est une transformation complète qui est exigée pour renverser la table, la tendance de ressources environnementales en diminution et du climat en déséquilibre. Alors comment rompre avec cet écueil et avoir un impact réel ?
Simplement cibler les efforts pour passer à l’échelle
Concrètement, il faut une intention implacable, donner les moyens à la transition d’être conduite, avec des engagements ciblés, thématiques, par chaîne de valeur : ni noyés dans la masse, ni seuls dans le désert. Pas de saupoudrage, pas de l’anecdotique. Une approche et une rigueur qui seront d’autant plus essentielles que le cycle que nous avons connu avec des taux d’intérêt durablement bas s’est éteint, entrainant des baisses de valeurs sur les différentes classes d’actifs et rendant plus complexes et difficiles les choix d’investissement.
Investir dans les secteurs influant directement sur l’empreinte carbone de notre économie ou sur la biodiversité sont des expressions tangibles de la finance à impact et la raison d’être de fonds de private equity tels que ceux que nous développons dans les domaines de la transition énergétique ou encore de la transition vers une agriculture régénératrice. Contribuer à la croissance des acteurs de la décarbonation spécialistes de l’efficacité énergétique, de l’électrification ou des renouvelables et mobilité bas carbone ou faire émerger une collaboration systémique entre les acteurs de la chaîne de valeur agricole impactent. Accompagner dans leur mutation les secteurs à forte empreinte carbone, tel que l’immobilier par la reconversion immobilière pour gagner en efficacité énergétique, maintenir la biodiversité et le lien social impacte. Faire évoluer la politique RSE des entreprises par des solutions de financement avec des incitations ESG que ce soit par le marché obligataire ou le direct lending permet également d’avoir un impact.
Quel qu’il soit, direct ou indirect, l’impact doit être mesurable et mesuré sur la base d’indicateurs revus par un tiers indépendant. Pas de déclaratif. Que ce soient pour les émissions évitées, la capacité de renouvelables ou de batterie électrique pour véhicule développée, l’aptitude à démontrer l’impact est clé.
Simplement agir à sa mesure et avec ses atouts
Il est évidemment plus facile de bâtir un nouveau modèle que de transformer un modèle usé par le temps. La jeunesse de Tikehau Capital est un atout, tout comme son ADN entrepreneurial, qui place l’innovation au cœur de son action, ou l’alignement d’intérêt qui inscrit la collaboration entre les parties prenantes au centre de ses stratégies. Ces atouts obligent et expliquent pourquoi Tikehau Capital s’engage depuis près de 10 ans pour convaincre et démontrer que pour être rentable, il faut être durable, et inversement. La plateforme impact de Tikehau qui représente aujourd’hui environ deux milliards d’actifs sous gestion en est une expression éloquente qui a vocation à croître. Pour que l’impact devienne la norme. Et que le bon sens l’emporte.
Antoine Flamarion, co-fondateur de Tikehau Capital