Mettre en oeuvre un modèle alternatif de croissance
Résumé
Nous devons relever le défi de créer des emplois de bonne qualité tout en préservant notre planète. Quelle que soit la piste de réflexion proposée, il faut partir de deux remarques factuelles :
La première est que le choc de la covid-19 a montré l’impasse d’une stratégie de décroissance. Nous avons connu une baisse massive de l’activité due à la pandémie (une récession globale d’environ 4.9% pour 2020) avec un impact majeur sur les finances publiques mais les émissions de gaz à effet de serre n’auront baissé que d’environ 8% à l’échelle de la planète en 2020. Or il faudrait une baisse des émissions d’environ 7.6% chaque année jusqu’en 2030 pour que la température n’augmente que d’1.5 degré. Nous n’y arriverons donc pas par la décroissance.
La deuxième remarque est que l’impact de toute mesure franco-françaises sur le climat est négligeable: la consommation française n’est responsable que de 1.5% des émissions mondiales.
Nous avons donc besoin a minima d’une stratégie européenne. Celle-ci passe par un investissement massif dans la recherche publique et privée dans le domaine de l’énergie en particulier. Il faut y mettre les moyens.
Il faut aussi bâtir sur le système européen de quotas d’émission de gaz à effet de serre qui existe (EU Emissions Trading System) et agrandir son périmètre d’application– en couvrant notamment le transport maritime. Il faut s’en servir pour faire croitre le prix des droits d’émission de gaz à effet de serre de façon prévisible sur le territoire européen pour les 30 prochaines années avec un ajustement du prix des importations à nos frontières pour éviter le « dumping carbone ». Grâce à la prédictibilité du prix du carbone, les investisseurs pourront allouer leur capital vers activités les moins polluantes qui seront aussi les plus rentables. A l’inverse, les technologies polluantes auront des rendements de plus en plus bas. Les dividendes carbones provenant de la vente des droits d’émission pourraient être redistribués aux citoyens européens de façon la plus progressive possible pour maintenir leur pouvoir d’achat.
Le secteur privé doit aussi être mobilisé avec des règles comptables européennes qui prennent en compte le contenu carbone des activités de façon obligatoire. Les entreprises devraient être amenées à indiquer leurs cibles d’émissions; publier des plans de transition et des rapports d’étape que les investisseurs peuvent monitorer. Et indiquer comment leur politique de compensation est reliée à leur progrès.
De plus si un nombre croissant d’entreprises prenaient le statut « d’entreprises à mission », cela permettrait d’intégrer des indicateurs environnementaux mais aussi sociaux de manière transparente dans leurs objectifs. Cela devrait conduire à une gestion plus solidaire des chaines de production et de leur écosystème et à diminuer les inégalités de statut et de compensation chez les travailleurs.