La déclaration finale du Cercle des économistes

Déclaration finale du Cercle des économistes

18e Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence

Depuis quelques mois, un air mauvais souffle sur le monde, souvent analysé de manière bien trop simple. Comme toujours, l’Histoire nous joue des tours et ce qui apparaît éternel n’est qu’une phase courte de notre trajectoire. Bien des métamorphoses du monde sont apparues, et cela ne date pas d’hier : technologique, migratoire, environnementale, identitaire et géostratégique. Mais ce qui est nouveau, c’est qu’elles se renforcent entre elles. Car oui, il y a interdépendance entre tous ces chocs. Par exemple, les bouleversements géostratégiques s’appuient sur des tentations nationalistes renforcées évidemment par la perception qu’a une large partie de la population d’être déclassée et marginalisée. Tout cela a remis en cause l’idée même que le multilatéralisme est le vecteur naturel de règlement de nos conflits. Nous voyons apparaitre ces dérives jour après jour, et c’est là notre hypothèse fondamentale : il s’agit d’un mouvement irrépressible et seules de nouvelles formes de dialogue, de nouveaux acteurs comme ce fut le cas pour la COP21, permettront de se sortir de cet engrenage dangereux.

Face à ces métamorphoses, cinq enjeux urgents se posent auxquels nous avons essayé d’apporter des réponses novatrices, réalistes, et qui portent essentiellement sur la volonté de renouer les fils du dialogue à tous les niveaux.

 

Propositions pour un monde apaisé

  1. Prendre l’initiative d’une alliance multilatérale
  • Fédérer un ensemble de pays volontaires, ceux qui croient au multilatéralisme, au sein d’une initiative, impulsée par l’Europe, appelée « Alliance Multilatérale » (AM) qui aurait pour rôle central de maintenir un dialogue au niveau mondial et de représenter un poids suffisant face aux nations qui le remettent en cause, notamment les États-Unis. Cette initiative aurait un statut clair, un budget, un agenda formalisé, un périmètre d’intervention et évidemment les moyens de son fonctionnement.
  • Rendre le fonctionnement de l’OMC plus efficace et plus simple, notamment en ce qui concerne l’Organe de Règlement des Différends (ORD). Il faut refonder l’OMC, s’assurer de la pleine participation des pays émergents aux initiatives qui pourraient être prises, et sanctuariser les préférences accordées aux Pays les Moins Avancés à l’occasion de la renégociation du statut des pays en voie de développement à l’OMC.

 

  1. Reconstruire l’Europe

Il faut reconstruire l’Europe autour de ses valeurs fondamentales avec ceux qui les partagent tout en conservant le socle économique et financier. Nous sommes conscients que cela pourrait remettre en cause le fonctionnement des organisations existantes. C’est la raison pour laquelle il nous paraît essentiel de consolider les dispositifs financiers et fiscaux existants.

  • Finaliser l’union bancaire, accélérer le calendrier de l’union des marchés de capitaux et faire monter en puissance le Mécanisme européen de solidarité pour le doter d’une action de réaction, mais aussi de prévention des crises. Créer des dispositifs confortant la BCE dans son rôle d’assurance de la liquidité et créer un « actif sûr » européen.
  • Réformer le Fonds Européen d’ajustement à la Mondialisation (FEM) en améliorant le recueil des données sur les perdants de la mondialisation et en révisant les règles du programme pour augmenter son utilisation et ses capacités d’intervention.
  • Renforcer notre politique de la concurrence avec une régulation adaptée qui exclut et sanctionne plus fermement les monopoles. Ceci concerne en premier lieu les entreprises du secteur technologique installées en Europe. Par ailleurs, il faut régler le problème de leur fiscalité, et les taxer, selon la proposition française, en se basant sur leurs profits mondiaux et en les ventilant entre États à l’aide d’une clé de répartition non manipulable, à savoir le montant des ventes réalisées dans chaque pays.

 

  1. Mettre en place une véritable stratégie d’accueil des demandeurs d’asile
  • Créer des lieux d’accueil, dédiés aux demandeurs d’asile, principalement en Europe, mais aussi sur le continent Africain, ces derniers étant cogérés entre Europe et Afrique. De plus, l’ONU doit être en mesure de suppléer les institutions des pays lorsqu’ils s’avèrent incapables d’assurer un respect minimum des droits de l’Homme. Ceci correspond évidemment en premier lieu à la Libye.
  • Créer au sein d’un groupe de pays volontaires une procédure d’asile européen avec un droit d’asile commun, une agence commune et une protection commune des frontières. Ils mutualiseraient les coûts d’instruction des demandes d’asile, accorderaient aux réfugiés une liberté de circulation et d’établissement dans les pays du groupe et imposeraient une contribution financière beaucoup plus significative qu’aujourd’hui aux pays qui ne participent pas.
  • Au sein de ce groupe, investir massivement pour l’intégration des demandeurs d’asile sur le marché du travail en réduisant les délais d’instruction, en les formant et en éliminant les interdictions de travailler.

 

  1. Fonder un projet euro-africain
  • Lancer un plan décennal de financement des infrastructures concernant principalement l’eau, l’énergie et la formation, et créer une Société de Financement Africaine pour canaliser des flux financiers très importants. Celle-ci pourrait s’appuyer sur des structures existantes comme la BAD.
  • Donner une période de 15 ans de protection tarifaire et commerciale à l’agriculture africaine de manière à ce qu’elle puisse affronter la concurrence mondiale.
  • Fluidifier et rationaliser les transferts d’épargne des migrants vers leurs pays d’origine en baissant les commissions de transferts internationaux de fonds et en permettant les transferts fréquents avec de petites sommes.

 

  1. Recréer de la cohésion sociale en France

Recréer de la cohésion sociale implique de résoudre les problèmes de mobilité sociale et de pauvreté.

  • Mener au niveau de l’école, dès la maternelle et l’école primaire, des politiques pour inciter à la mixité sociale, à l’image des politiques de logement qui ont été mises en place dans ce sens.
  • Exiger que le plan du gouvernement en matière de formation donne un rôle suffisant à la formation technologique, l’apprentissage, la formation tout au long de la vie, et s’assurer qu’elle bénéficie à ceux qui ont raté la marche de l’école.
  • Maintenir et rendre automatique la prime d’activité.
  • Suivre les recommandations du rapport Senard-Notat, qui est porteur de cette volonté très largement partagée de donner plus de sens au fonctionnement des entreprises. Il faut élargir la mission de l’entreprise dans la vie de la Société, et cela commence par une meilleure répartition des résultats. Nous sommes donc favorables à la généralisation de la participation et de l’intéressement à l’ensemble des entreprises. En matière de représentation des salariés dans les organes de décision, nous sommes convaincus qu’il faut être très audacieux et aller vers une généralisation. Enfin, on peut légitimement s’interroger sur la dictature des exigences de rentabilité à court terme. Rendre aux entreprises des perspectives de moyen et long terme permettrait un renouveau du capitalisme social européen.

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A propos du Cercle des économistes : Le Cercle des économistes est un cercle de réflexion, fondé en 1992, qui réunit actuellement trente économistes et universitaires. Sa mission est d’organiser et de promouvoir un débat économique ouvert et accessible à tous. Ses membres se distinguent par des approches et des compétences différentes, garantissant ainsi la richesse et la pluralité des débats. Le Cercle des économistes organise différents événements annuels dont Les Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence. Plus d’informations sur : lecercledeseconomistes.fr