Science et progrès repoussent la mort mais menacent la vie

La passion et les désirs humains n’ont pas changé avec le progrès scientifique et les nouvelles technologies. L’innovation est au cœur d’une formidable amélioration des conditions de vie mais les excès qu’elle fait naître nous poussent à repenser tout un système de normes et de valeurs permettant leur régulation.

Vincent LemerreLa science est mise à mal par notre société. Dans Humain, trop humain, Nietzsche insiste sur le fait que les immenses progrès scientifiques restent périphériques à nos capacités cérébrales. C’est le point de vue que défend Étienne Klein, directeur du laboratoire de recherche en Science au CEA, pour qui la science doit être perçu comme une occasion de résoudre nos problèmes et non plus comme un risque paralysant. Le progrès scientifique est de moins en moins lié à un projet de civilisation puisqu’il n’existe tout simplement plus de projet de civilisation. L’innovation, au lieu de préparer un futur attractif, ne nous sert plus désormais qu’à survivre. La science a bien entendu suppléer la  religion, elle est devenue le socle de connaissance ultime et nous sommes automatiquement gouvernés par une forme liée à la science. Pourtant aujourd’hui, ce monopole de vérité est mis à mal par une désaffection des étudiants pour la science, par une méconnaissance effective de la classe politique et par une critique philosophique du progrès.

« Un tsunami technologique » est en marche. Les mots sont de Laurent Alexandre, le fondateur de doctissimo et créateur de la société DNA vision (spécialisée dans le séquençage d’adn.) Il n’y a rien de plus effarant à ses yeux que ceux qui déclarent la fin de la croissance et du progrès scientifique. C’est faire selon lui preuve de malthusianisme et d’anti-schumpeterianisme. Avec les NBIC (Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), nous vivons actuellement une immense révolution, bien plus importante que celle que la France a connu à la fin du XIXème siècle avec l’automobile et l’électricité. Le problème majeur est alors la méconaissance totale de la classe politique et donc à plus une grande échelle de la société toute entière. Il est la principale raison du retard français dans le domaine des NBIC. La Silicon Valey, avec des entreprises comme Google et Callico trust l’essentiel du marché.

Pourra-t-on un jour euthanasier la mort ? La question se pose, tellement le progrès dans le domaine de la santé est gigantesque. Les estimations de Google partent du principe que notre espérance de vie augmentera de trente ans en 2035. On ne se rapprocherait donc plus de notre mort ? Il en va de même pour l’épanouissement de notre personne. Eric Careel, entrepreneur et créateur de la société Withings prend l’exemple d’une de ses inventions, le pèse personne connecté qui, en dessinant une tendance est générateur d’une pression sociale positive.

L’invasion du numérique menace la vie privée du citoyen. C’est l’excès le plus flagrant qui découle de ce progrès technique bondissant. Le journaliste d’investigation Duncan Campbell, qui a notamment révêlé l’affare du système Echelon, dénonce un espionnage permanent aussi bien au niveau politique qu’économique. La NSA et son pendant anglais, la GCHQ établissent une surveillance constante de toutes les données, plus particulièrement en Europe. La vie privée des individus comme des Etats n’existe plus selon Duncan Campbell et la pression économique est trop forte pour que l’on s’en préoccupe.

Le droit au devant de l’innovation. Dans ce contexte de révolution scientifique et numérique, le droit français est en retard, pire encore, il n’est pas fait pour encourager l’innovation. Lorraine Donnedieu de Vabres-Tranie, avocate spécialisée dans le droit de propriété reflechit dans de nombreux articles à la manière de privilégier l’innovation dans le règle de droit. Le droit français n’est pas du tout adapté à la fulgurance de l’innovation mais plutôt à une croissance régulière et progressive. C’est au droit de se mettre au diapason. Il faut tordre le coup au principe de précaution avec un principe d’innovation. Il est nécéssaire de mettre fin à cette politique de risque zéro en établissant une transparence plus forte qui permettra d’éviter les excès lié à la course à la science.

Léonard Desbrières