Repenser les investissements à la lumière d’une géopolitique nouvelle

La crise financière de 2007 et la récente crise des pays émergents ont complètement bouleversé l’investissement tel qu’il existait jusqu’alors. La quantité de liquidités mondiales est considérable, le besoin d’investissement également. Pourtant, les deux n’arrivent pas à se rencontrer. Comment expliquer cette situation ? Comment remédier au problème et dynamiser la croissance ?

b5DGewJakcS1UNbOtct0wKgersqHIzeP-puES8H7Y10,w4k7M_kNKERO9qqZIpLkmM-EkrXDzbASBBcn5mbIRZ4

Une concurrence accrue entre les territoires. Les anciens pays maîtres de l’investissement mondial, l’Europe et les Etats-Unis, se trouvent désormais affaiblis suite à la crise et déstabilisés par l’émergence de nouveaux investisseurs potentiels. Les pays émergents ont désormais des capacités d’investissement importantes. Surtout, il s’exerce plus que jamais une forte concurrence entre les territoires pour attirer plus d’épargne et d’investissements. Les « nouveaux émergents » offrent de nouvelles possibilités non négligeables. Le Vietnam, par exemple, est devenu un des territoires les plus attractifs en terme d’IDE (investissements directs à l’étranger), « attractif par le bas niveau des salaires mais aussi par la qualité de la main-d’œuvre et son rattrapage technologique », explique Christian de Boissieu du Cercle des économistes.

De nouveaux flux entre les  »Suds ». La nouvelle donne réside aussi dans de nouveaux types d’investissements qui n’impliquent plus les pays occidentaux. Un véritable changement géographique s’opère et de plus en plus de flux de capitaux Sud/Sud ont lieu. En Afrique principalement, les pays comme le Maroc ou l’Afrique du Sud investissent leurs capitaux dans des Etats voisins. Le continent africain, pourtant sous-représentée au G20 et au Conseil de Stabilité Financière, est l’objet de toutes les attentions. Sa population va doubler d’ici à 2050, sa croissance devrait rester comprise entre 5 et 6% par an… elle est au coeur d’une concurrence féroce entre les Etats-Unis, la Chine, les Etats européens, et les nouvelles puissances africaines. Pour le marocain Mostafa Terrab, président du groupe OCP, « nous ne voyons pas d’affrontement pour investir en Afrique mais les pays du Nord n’ont pas de stratégie africaine contrairement aux émergents ».

Déclin de l’investissement. La crise a eu un effet frein sur l’investissement. D’après les calculs du FMI, la production mondiale est environ 8% en dessous de son potentiel et le déclin de l’investissement en est en grande partie responsable. La peur du risque et le manque de confiance en l’environnement sont évidemment les facteurs principaux d’une frilosité mondiale à investir et d’un besoin d’épargner. Christian de Boissieu fait part de son « inquiétude sur la capacité des agents économiques à retrouver le sens et l’envie du long terme ». Il s’agit pour le système financier de trouver les financements innovants dont nous avons besoin. Pour John Lipsky, premier directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI), « les systèmes financiers doivent stabiliser les règles du jeu. Il y a un grand besoin d’action pour pouvoir rester optimiste ».

Vers un investissement éclairé ? La fin de la session est marquée par l’intervention de Capucine Marteau, étudiante lauréate du concours « La parole aux étudiants ». La jeune femme interpelle les conférenciers, tous décideurs de premier plan au niveau mondial, sur la nécessité d’un renouveau des investissements occidentaux. « Ne croyez-vous à un investissement éclairé ? Orienté vers l’entreprenariat social et porteur d’un nouveau modèle de croissance ? », questionne l’étudiante. Bruno Lafont, PDG de Lafarge, insiste sur l’importance pour les grandes entreprises d’anticiper les besoins du monde et de construire des villes meilleures. Tous se mettent d’accord pour plaider en faveur d’un investissement social, simple « question de bon sens ».

Raphaëlle Orenbuch