Quand les idées dirigent le monde

Investissement et innovation au service de la croissance

Le monde vient de traverser l’une des plus grandes crises économiques qu’il ait connu. Il ne parvient cependant pas à instaurer une reprise forte et durable, marquée par la frilosité des investisseurs. Alors que toutes les conditions sont réunies, comment expliquer une telle absence de financement ?

 

Pascal BRUCKNER_IEM1697L’investissement, fer de lance de la croissance. Dans cette période de crise mondiale, l’absence d’investissement ne permet pas de retrouver une croissance forte et durable. Comme l’explique l’économiste Jacques Mistral, les liquidités sont disponibles mais restent bloquées par les entreprises : « La situation est celle d’un attentisme généralisé pesant sur les décisions d’investissement ». Selon lui, les innovations actuelles correspondent à une seconde révolution industrielle, où ce ne serait plus la technologie qui se substituerait au travail, mais la machine qui remplacerait l’intelligence humaine. Cependant, cette révolution n’a pas suscité de vague d’investissement significatif et c’est cette absence qui pose problème. Car sans investissement, le résultat social le plus clair des innovations est l’accroissement des inégalités. « L’avenir est opaque, on privilégie l’investissement à court terme, même si cela ne stimule pas la croissance », regrette Jacques Mistral.

L’innovation, nouvelle source de la croissance. L’investissement était auparavant la source ultime de la croissance. Désormais, c’est l’innovation technique qui joue ce rôle. Les nouvelles technologies changent totalement l’économie. Comme l’explique Kevin O’Rourke, professeur d’Histoire économique à Oxford, l’investissement ne devient réellement utile pour la croissance que lorsqu’il sert l’innovation : « La technologie ne sert pas à grand-chose si elle ne prend pas forme dans les machines ». Selon lui, l’Europe ne pourra sortir de la crise qu’en autorisant les investissements publics, en incitant les financements privés et en investissant elle-même dans l’économie.

Le progrès mis en accusation. Comme le formule l’écrivain et philosophe Pascal Bruckner, « le procès contre l’idée de progrès est aussi vieux que le progrès lui-même, mais il s’est largement renforcé depuis 1945 ». L’espérance du progrès était que l’amélioration matérielle, économique et technique de l’humanité entraîne automatiquement l’amélioration morale de l’Homme. A l’heure actuelle, l’Homme est globalement plus riche, mais il n’est pas meilleur et il y a désormais un scepticisme majeur face à l’idée même de progrès. « Si la modernité déçoit, ce n’est pas parce qu’elle a échoué, c’est parce qu’elle a trop bien réussi », explique le philosophe. Le manque d’investissement actuel n’est pas le fait de progressistes déçus, il est le fait de progressistes prudents.

Une évolution constante des exigences économiques. L’investissement seul n’est pas suffisant pour créer de la croissance. C’est l’idée de Yossi Vardi, dirigeant de l’International Technologies : « Le financement est nécessaire pour l’innovation et la créativité, mais il n’est pas suffisant. Il faut prendre en compte les aspects et les phénomènes culturels ». L’entrepreneur prend l’exemple d’internet, qui a révolutionné l’économie et constitue un domaine de croissance important, mais qui évolue sans cesse et nécessite une adaptation des professionnels afin de continuer à produire de la richesse. C’est cette adaptation de l’économie à son présent technologique, possible par l’innovation, qui permet une croissance durable et forte. Cependant, à l’heure actuelle, la structure même des entreprises et de l’économie ne permet pas un investissement suffisant pour sortir de la crise.

Une solution à la crise ? Pascal Bruckner préconise d’adopter une éthique de la crise : « La crise n’est pas économique mais avant tout spirituelle, il y a des attentes trop importantes face aux possibilités réelles de l’économie ». Cependant, l’avenir n’est pas sombre, comme le souligne Jacques Mistral : « Le potentiel d’innovation technique est là, le mur d’opacité est levé et il y a un espoir de voir les investissements se déclencher maintenant ».

Fanny Attas