Avis de tempête : Vieillissement annoncé

Des taux de fertilité qui diminuent, une espérance de vie qui augmente, un taux actif/retraité qui ne va pas en s’améliorant… Le constat est clair : nos populations vieillissent. Mais comment faire face aux déséquilibres démographiques ? Et surtout quelles en sont les conséquences sur l’épargne et l’investissement ? Avec des intervenants venus d’Allemagne, de Chine, du Japon, de France, les Rencontres économiques analysent et préconisent.

Pierre SELLAL, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et européennes

 Une nouvelle ère s’annonce. Dans un passé pas si lointain, des économies en pleine croissance démographique ont eu les moyens de s’étendre sur d’autres territoires. Le futur est bien différent pour ces pays qui ont des populations de plus en plus vieillissantes et qui ne pourront pas inverser la tendance. En 2050, le Japon est le pays qui connaitra la réduction de la croissance démographique la plus conséquente. Mais l’Europe n’y échappera pas non plus. Une situation qui a déjà commencé à affecter ses relations économiques.

« Le fantôme géant de l’Allemagne ». Les relations économiques européennes sont influencées par la puissance allemande qui pousse au désendettement. Une attitude qui lui est souvent reprochée. Mais d’après Henrick Enderlein, de la Hertie School of Governance de Berlin, il faut se pencher sur les détails pour comprendre la politique allemande. « Quand on regarde de très loin, on a l’impression que l’Allemagne connaît une grande croissance. Mais dans les années à venir, il faut s’attendre à une catastrophe : le vieillissement de la population. » Les Allemands ont conscience du problème et comprennent qu’à cause de leur déséquilibre démographique, les recettes de l’Etat vont stagner alors que les dépenses augmenteront, notamment à cause des dépenses de santé, explique Henrick Enderlein. Pour rester à l’équilibre, la solution qu’ils ont choisie pour le moment c’est le désendettement en prévision de cette difficulté future.

Que peut faire l’Europe ? Les déséquilibres démographiques vont toucher toute l’Europe, mais de manières différentes. L’Allemagne aura la population la plus vieillissante alors que les pays du Sud seront plus jeunes. Alors comment concilier une politique commune quand la situation diverge autant d’un pays à l’autre ? Pour Pierre Sellal, Secrétaire général au Ministère des affaires étrangères, les pays européens auront clairement des priorités différentes. Pour des pays comme la France et l’Angleterre, qui continueront à voir leur croissance démographique augmenter, les dépenses seront orientées vers l’éducation, le logement, les infrastructures, alors que l’Allemagne continuera à se concentrer sur le désendettement. La solution : faire en sorte que les politiques communes européennes puissent prendre en compte ces différences. Autre conséquence des déséquilibres démographiques : le poids de l’Europe au sein des institutions mondiales va décliner. Pierre Sellal explique qu’il faut s’y préparer en favorisant la représentation et l’expression collective au sein de l’Europe.

Des investissements freinés par la guerre des monnaies. Du côté des financements, Eric Lombard, PDG de Generali France, explique que les déséquilibres démographiques auront aussi des conséquences. L’épargnant place son argent en espérant au minimum protéger son capital, c’est-à-dire qu’il veut un taux d’au moins 2% par an. Un agent financier doit par conséquent obtenir un rendement de 3% pour pouvoir faire un profit sur cet investissement. Mais Eric Lombard explique qu’en prêtant de l’argent à un Etat ou à une entreprise de taille moyenne, le rendement sera inférieur à 3%. Le meilleur placement est d’investir dans les projets d’infrastructure, mais ces projets sont peu nombreux en Europe, alors qu’au contraire ils sont particulièrement importants dans les pays émergents. Mais le problème c’est le risque du taux de change, l’agent financier ne peut garantir un capital dans une autre monnaie. « Il faudrait pour gérer les déséquilibres : soit une mobilité des gens, soit une mobilité des capitaux. Mais cette dernière solution n’est pas possible à cause de la guerre des monnaies ». Même si l’épargne est disponible, les investissements ne se font pas…

L’immigration, une solution ? Face aux déséquilibres démographiques annoncés, la solution pourrait être d’ouvrir nos économies et de favoriser l’immigration. Il faudra s’y préparer, prévient Henrick Enderlein, car « le changement sociologique est de taille. » Et des ajustements culturels seront nécessaires pour intégrer ces nouvelles populations.

Laurène Sénéchal